«Je crains une déchirure sociale entre Sénégalais d’ici et de la diaspora»

Madame le ministre, quelle appréciation faites-vous de cette décision de non rapatriement de nos compatriotes décédés du Covi-19 à l’extérieur ?

Le choc du verdict de la Cour Suprême n’a d’égal, pour moi, que la violence des ravages du Covid dans le monde. Pourquoi la Cour Suprême n’a-t-elle pas juste évoqué l’ordonnance pour nous renvoyer auprès du chef de l’Etat ? Il y a quand même 83 dépouilles à travers le monde. J’ai tout de suite pensé aux familles des victimes, qui ont entre leurs mains des dépouilles de proches. Qui, toute leur vie durant, ont trimé pour maintenir l’équilibre social de la famille et du pays tout entier. Espoirs de tout un peuple quant à leur implication dans le quotidien du Sénégal, qui leur est si cher, au point d’exiger, de leur vivant, qu’on les enterre sur leur terre natale. Certaines familles continuent à payer autour de 55 euros (un peu plus de 3500 FCfa) par jour depuis 30 à 40 jours, pour garder ces corps dans des conditions décentes, avec l’espoir que le Président Macky Sall accède à leur demande.

Vous militez pour la reconsidération d’une telle décision. Avez-vous des garanties pour un rapatriement sans risques sanitaires majeurs ?

Ce sont des scientifiques sénégalais : médecins, épidémiologistes virologues, biologistes…, qui sont à l’origine de cette requête, ils ont eux-mêmes certifié, avec documents à l’appui, à la Cour Suprême, qu’après préparation, ces corps ne seraient un danger pour personne. Je tiens à rappeler que le mot «deinthieu» (garder) a tout son sens lorsque nous parlons d’une dépouille. La foi, la culture et la coutume, s’entrechoquent dans ce dossier.

Quelles conséquences craignez-vous au plan social ?

Je crains une déchirure sociale, entre les Sénégalais d’ici et ceux de la diaspora. Après le triste épisode de la communication sur les «cas importés», revoilà le refus du rapatriement des corps. Le Covid-19 aura réussi à faire prendre conscience à la diaspora sénégalaise qu’elle devra désormais penser à elle-même en priorité, mais ensuite savoir peser de son poids intellectuel, stratégique, économique et social, pour une prise en compte réelle de ses droits dans les politiques publiques.

igfm