Il s’agit d’un revers pour les autorités birmanes, alors qu’Aung San Suu Kyi s’était elle-même déplacée aux Pays-Bas, au mois de décembre, pour défendre son pays.
Avec notre correspondante à La Haye, Stéphanie Maupas
La Cour internationale de justice a donc répondu positivement à toutes les demandes de la Gambie, qui évoquait l’urgence à protéger les Rohingyas. Sans dire que la Birmanie a violé la Convention sur le génocide – c’est une question qui sera tranchée lors des futurs débats – les juges ont pris une décision très ferme, puisqu’ils ordonnent à la Birmanie de prévenir tout crime contre les Rohingyas qui sont sur son territoire.
Et les juges évoquent précisément les meurtres, les atteintes graves à l’intégrité physique et mentale, la soumission des Rohingyas, leur destruction physique, totale ou partielle.
La Cour cible donc précisément l’armée, en demandant au gouvernement de veiller à ce que ses membres ne commettent pas de crimes. Elle ordonne aussi la préservation des preuves et elle demande enfin à la Birmanie de venir au rapport dans quatre mois pour détailler les mesures prises.
Le Myanmar [la Birmanie] doit prendre toutes les mesures en son pouvoir afin de prévenir la commission à l’encontre des membres du groupe Rohingyas présents sur son territoire
Abdulqawi Ahmed Yusuf
Un revers pour Aung San Suu Kyi
Les juges ont ainsi rejeté tous les arguments qui avaient été défendus par Aung San Suu Kyi. La dirigeante birmane demandait alors leur clémence, évoquant un conflit complexe, un conflit armé interne.
Même si c’était le cas, cela ne remet pas en cause la violence et la gravité des crimes, ont répondu les juges. Ces derniers soulignent d’ailleurs que depuis l’indépendance, les Rohingyas ont été déclarés apatrides et privés de droit.
Pour Jeanne Sulzer, responsable de la commission justice internationale d’Amnesty International France, « C’est une décision qui envoie un message très fort aux fonctionnaires » de la Birmanie, « le message que le monde ne continuera pas à tolérer que des atrocités soient faites à l’égard des Rohingyas.[…] Aung San Suu Kyi, qui a tenté de minimiser la gravité des crimes, ne pourra plus aujourd’hui le faire. »
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Les juges se sont basés sur les résultats de plusieurs missions d’enquête des Nations unies qui avaient été posés par la Gambie lors des débats. Et alors que beaucoup s’interrogeaient sur l’initiative de Banjul, qui n’est pas directement impliqué dans le drame des Rohingyas, les juges ont rappelé que la Convention sur le génocide obligeait tous les États à agir.
Si la Cour internationale de justice rend des avis consultatifs, les mesures n’en demeurent pas moins contraignantes, même si l’institution n’a aucun moyen de les faire appliquer. « Le gouvernement doit absolument y répondre, juge néanmoins Jeanne Sulzer d’Amnesty. Tous les yeux sont tournés vers le gouvernement birman aujourd’hui, la pression est immense. »
RFI