L’imprévisibilité du coronavirus et l’augmentation exponentielle des cas rendent improductive toute critique, puisque l’heure doit être à la solidarité. L’idée ici n’est donc pas de contester mais d’abord de s’émouvoir qu’en 2020, l’Afrique soit la grande absente de la recherche scientifique pour le vaccin contre la Covid-19.
Représentant une cinquantaine de pays, Cyril Ramaphosa, président en exercice de l’Union africaine, a exprimé son « espoir » de recevoir au moins 750 millions de vaccins. La politique de la main tendue, c’est aussi cela.
Quand cinquante-quatre pays, détenant pourtant la dividende jeunesse la plus importante au monde, manquent tellement de confiance en eux-mêmes qu’ils en oublient leur potentiel. Même si l’Afrique entend acheter ses vaccins, elle reste à la merci de ce qu’on lui léguera au nom de considérations, disons-le, subjectives. Comme le démontre cette pression épidémiologique, l’espérance des plus grandes puissances économiques repose aujourd’hui sur l’excellence scientifique, seul gage de survie de leurs peuples. Comment s’enorgueillir d’une prétendue indépendance si nous n’avons même pas su stimuler nos scientifiques pour garantir notre souveraineté sanitaire?
À titre d’exemple, le Sénégal qui a formé des scientifiques remarquables tels que Cheikh Anta Diop, le Pr Souleymane Mboup, co-découvreur du VIH-2 ou encore le Pr Mary Teuw Niane, qui continue de donner ses lettres de noblesse aux mathématiques, incarne ce potentiel. Seulement, des figures de cette trempe se font rares. Cela est inquiétant, surtout dans le présent contexte de guerre sanitaire où chaque médecin se fera un devoir de sauver d’abord son compatriote? Comment profiter de cette préférence nationale chez nous lorsque la fuite des cerveaux nous prive de nos meilleurs talents? Comment rester serein lorsque l’avenir de la recherche scientifique est pris au piège par la désertion des matières scientifiques?
Comprenant la nécessité impérieuse d’inverser la tendance, le Président de la République Macky Sall a multiplié les initiatives en faveur de la promotion des sciences, comme l’atteste sa contribution de 500 millions de francs CFA pour appuyer la recherche africaine. Cependant, il urge d’élaborer un véritable Plan Marshall, dans la transparence, à l’échelle continentale, pour garantir l’indépendance scientifique africaine et sa revalorisation. Une souveraineté qui nous préservera des aléas du capitalisme néolibéral et des risques liés à la fabrication hâtive de vaccins qui n’ont pas encore livré tous leurs secrets.
En effet, les vaccins qui ont été annoncés, à grand renfort de communication, n’offrent pas encore toutes les garanties de fiabilité. Ils ont été développés en 9 mois à peine, et les seules réactions recensées sont celles perceptibles à court terme. Combien de fois des vaccins ont dû être retirés des marchés à cause de la dangerosité de leurs effets secondaires ? Pour ceux en question, les laboratoires sont partiellement couverts par l’État en cas d’incidents imprévus. Cela n’a pas empêché le très réputé laboratoire Sanofi de repousser à fin 2021 son vaccin, car peu rassuré par les premiers résultats. Interrogé sur l’éventualité de se faire vacciner, le Président de la République française, Emmanuel Macron a semblé indécis avant de concéder qu’ « on ne sait pas tout sur ce vaccin, comme on ne sait pas tout sur ce virus ».
Mais les réserves les plus sérieuses nous viennent du monde médical. “il y a un vrai problème dans le vaccin Pfizer. La fréquence d’effets indésirables y est particulièrement élevée. Il y a plus d’effets indésirables chez les jeunes que chez les personnes âgées, et plus après la deuxième dose qu’après la première”, a ainsi relevé avec inquiétude le Pr Éric Caumes, chef du service épidémiologique de l’hôpital français de la Pitié-Salpêtrière.
Dans ces conditions, est-il judicieux de se précipiter pour commander 750 millions de doses, comme semble l’anticiper l’Union africaine ? Vers quels niveaux records de dette avançons-nous ? L’Afrique doit-elle nécessairement s’aligner sur la stratégie vaccinale mise en place par les pays occidentaux, alors qu’elle a ses propres réalités avec la covid ? Une immunisation plus rapide, un taux de morbidité bien moindre, un climat moins propice à la prolifération du virus et une population beaucoup plus jeune. Bien au contraire, ne devrions-nous pas plutôt insister sur la stratégie de prévention, de traitement et même d’isolement ? Avons-nous les moyens financiers et logistiques pour conserver ce vaccin, qui doit être en permanence à moins de 80°C ? Autant de questions qu’il faut affronter avec courage, sérénité et surtout en toute souveraineté. Aujourd’hui plus que jamais, alors que des millions de vies sont en jeu, défions-nous de tout mimétisme, surtout lorsque la faculté de prise en charge des risques n’est pas la même.
La découverte d’un vaccin efficace et sûr contre cette pandémie, qui a bouleversé nos habitudes les plus précieuses et mêmes les plus innocentes, serait à coup sûr un progrès réjouissant pour l’humanité. Mais ce progrès ne peut être inclusif et bénéfique qu’en respectant les règles les plus élémentaires du principe de précaution et de surveillance.
En attendant, veillons sur nos couches vulnérables et respectons les gestes barrières.