Le bilan explose en Chine, les États-Unis prennent leurs distances

La Chine a annoncé jeudi 13 février plus de 15.000 contaminations supplémentaires par le coronavirus. Un bond record dû à une nouvelle définition plus large des cas d’infection, dépeignant une épidémie plus grave que rapporté jusqu’à présent.
Toutefois, cette augmentation du nombre des nouveaux cas « ne représente pas un changement significatif de la trajectoire de l’épidémie », a estimé à Genève le chef du Département des urgences sanitaires de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Michael Ryan. « L’augmentation que vous avez tous vue ces dernières 24 heures résulte largement, en partie, d’un changement dans la manière dont les cas sont rapportés », a-t-il dit à la presse.

Après avoir dans un premier temps félicité Pékin pour son « travail très professionnel » face à l’épidémie, la Maison blanche a pris ses distances jeudi 13 février, par la voix de Larry Kudlow, le principal conseiller économique du président Trump. « Nous sommes un peu déçus du manque de transparence de la part des Chinois », a-t-il déclaré. « Le président Xi a assuré au président Trump que la Chine maîtrisait le dossier, qu’ils (les Chinois) se montreraient ouverts et qu’ils accepteraient notre aide ».

Mais « est-ce que le bureau politique (l’instance dirigeante du Parti communiste, ndlr) est vraiment honnête avec nous ? », s’est-il interrogé. Jeudi 13 février, une quarantaine a été pour la première fois édictée au Vietnam, dans une commune située près de Hanoï. Le Japon a quant à lui annoncé le premier décès sur son territoire d’une personne contaminée, une octogénaire. C’est le deuxième enregistré hors de Chine (qui concentre 99,9% des morts du virus dans le monde) après celui d’un Chinois aux Philippines.

En Chine, sous forte pression de l’opinion qui leur reprochait leur gestion de la crise, les deux chefs du Parti communiste chinois (PCC) pour la province du Hubei (Centre), berceau de l’épidémie, et Wuhan, son chef-lieu, ont été limogés. Ils laissent derrière eux une situation difficile. La Commission nationale (ministère) de la Santé a annoncé jeudi 15.152 nouveaux cas et 254 décès supplémentaires. Il s’agit, de loin, des plus fortes augmentations en 24 heures depuis le début de la crise en décembre.

Ces chiffres sont le signe d’une sous-estimation de l’ampleur de l’épidémie, qui a officiellement contaminé près de 60.000 personnes et fait 1.367 morts en Chine continentale. Mais paradoxalement ils ne sont pas forcément synonyme d’une aggravation. Ils sont surtout dus à une nouvelle définition, plus large, des cas d’infection par les autorités sanitaires du Hubei – qui concentre l’essentiel des cas (14.840) et des morts (242) supplémentaires.

« Mesure pragmatique »

Dorénavant, les malades de la province « diagnostiqués cliniquement » sont aussi comptabilisés. En clair, des patients suspects ayant subi une simple radio pulmonaire pourront désormais être considérés comme des malades « confirmés ». Jusqu’à présent, un test d’acide nucléique était indispensable

De fait, le nombre des nouveaux cas quotidiens confirmés à 100% par un test poursuit sa baisse entamée il y a quatre jours : il a chuté officiellement durant cette période de 3.062 à 1.820. Les autorités expliquent la nouvelle méthode par leur volonté de faire bénéficier au plus vite les patients d’un traitement, une solution qui a reçu l’approbation de l’OMS, soulignant un effort « d’adaptation ».

« Le gouvernement a récemment redoublé d’efforts pour faire face à l’ampleur de l’épidémie au Hubei et au besoin considérable de soins par la population », a estimé l’organisation dans un communiqué. Pour Yun Jiang, un spécialiste de la Chine à l’Université nationale australienne, la nouvelle méthodologie est une « mesure pragmatique » face au manque de tests de dépistage. « Je ne pense pas que les chiffres aient été nécessairement manipulés à des fins politiques, mais ils ne sont peut-être pas si fiables que ça. »

Limogés

Manipulation ou pas, le secrétaire du PCC dans le Hubei, Jiang Chaoliang, a été démis de ses fonctions. Il est remplacé par le maire de Shanghai, Ying Yong, réputé proche du président Xi Jinping. Le principal responsable communiste de Wuhan, Ma Guoqiang, a également été limogé.

De nombreux Chinois accusaient depuis plusieurs semaines les autorités locales d’avoir tardé à réagir face aux premiers cas de la maladie. Les chiffres annoncés jeudi tranchent avec ceux de la veille : la Chine avait fait état du plus faible nombre de nouvelles contaminations en près de deux semaines.

Le président Xi Jinping s’était lui aussi montré optimiste, soulignant « l’évolution positive » de la situation. Au cours d’une réunion jeudi 13 février à Bruxelles, les ministres européens de la santé ont souligné la nécessité de mieux se coordonner face à l’épidémie et de se prémunir contre des ruptures d’approvisionnement en équipements de protection en provenance de Chine.

La commissaire chargée de la Santé Stella Kyriakides s’est voulue rassurante, indiquant que « tous les États membres avaient des plans d’action et un bon niveau de préparation ». Elle a aussi assuré qu’il n’y avait « pas jusqu’à présent de pénurie de médicaments rapportée », alors que plusieurs pays se sont inquiétés d’un tel risque si l’épidémie se prolongeait. La Chine est un important producteur de principes actifs, nécessaires à la fabrication de médicaments.

F1 annulée

Un navire de croisière américain, le Westerdam, est arrivé au Cambodge où ses passagers vont enfin pouvoir débarquer. Le bateau avait erré en mer plus de 10 jours, plusieurs ports asiatiques lui interdisant d’accoster par crainte du coronavirus

D’après l’opérateur, aucun cas n’a été détecté à bord. En revanche au Japon, la situation est toujours tendue à bord du paquebot de luxe Diamond Princess, en quarantaine près de Yokohama (est) : 218 personnes sont contaminées, 44 nouveaux cas ayant été annoncés jeudi 13 février.

La crainte d’une contamination a conduit mercredi 12 février les organisateurs du Salon mondial du mobile de Barcelone, la grand-messe annuelle de la profession, à annuler leur manifestation, prévue pour durer du 24 au 27 février. La Fédération internationale de l’automobile (FIA) a également annoncé le report sine die du Grand Prix de Chine de Formule 1, qui devait se dérouler le 19 avril à Shanghai.