Un éminent diplomate américain a confirmé devant la commission de la chambre chargée de l’enquête en vue de la destitution du président américain qu’un chantage a bien été exercé par la Maison Blanche sur la présidence ukrainienne, et ce afin de servir les intérêts électoraux de Donald Trump.
Avec notre correspondante à Washington, Anne Corpet
L’ambassadeur en Ukraine Bill Taylor a livré le récit détaillé de toute la séquence qui a précédé et succédé au coup de téléphone litigieux entre les Donald Trump et Volodymir Zelenskiy. Il confirme que Donald Trump souhaitait conditionner l’attribution de l’aide militaire à l’Ukraine à l’ouverture d’enquêtes sur les affaires du fils de Joe Biden et sur de prétendues interférences dans le scrutin de 2016.
Dans sa déclaration préliminaire, Bill Taylor raconte d’abord avoir découvert l’existence d’un réseau diplomatique parallèle, conduit par Rudolph Giuliani, l’avocat personnel du président et par Gordon Sondland, important donateur de la campagne de Donald Trump, nommé ensuite ambassadeur auprès de l’Union européenne.
« Il y avait deux canaux d’élaboration de la politique américaine à Kiev, qui divergeaient dans leurs objectifs. Le canal irrégulier poursuivait un but contraire à notre politique », écrit Bill Taylor, avant de raconter dans un ordre chronologique précis et en citant ses sources, qu’en échange du déblocage de l’aide militaire votée par le Congrès en faveur de l’Ukraine, Donald Trump exige une déclaration publique de son homologue ukrainien sur l’ouverture d’enquêtes au sujet de son adversaire politique Joe Biden et sur de supposées interférences dans le scrutin de 2016.
À l’ambassadeur qui s’alarme, demande des explications, Gordon Sondland répond : « Donald Trump est un homme d’affaires, il voit l’Ukraine comme un interlocuteur qui lui doit quelque chose. » Et Bill Taylor, un diplomate expérimenté qui a servi sous des administrations républicaine et démocrate, conclut : « L’histoire dont nous discutons ici, parle de corruption. »
« Le poids des preuves »
« Ce qui était si troublant aujourd’hui, c’est le poids des preuves, si écrasantes, commente le représentant démocrate Andy Levin. C’est un triste jour pour tous les patriotes. Voir le président risquer ainsi notre intérêt vital au profit de ses propres visées politiques est insupportable pour les Américains. »
La présidence fait mine de ne pas être ébranlée par cette déposition pourtant explosive. Dans un communiqué, la porte-parole de la Maison Blanche assure que « le président n’a rien fait de mal ». Et elle dénonce « des fuites sélectives dans le cadre d’auditions à huis clos et secrètes, motivées par des considérations politiques ». Mais le témoignage de Bill Taylor pourrait bien gêner quelques élus républicains.
Le président semblait tendu, avant cette déposition cruciale. Donald Trump a suscité une nouvelle polémique en parlant sur Twitter de « lynchage » à son encontre. Un terme qui, aux États-Unis, résonne douloureusement aux oreilles des Afro-Américains, car il renvoie aux supplices qu’ils ont subis. Le président a suscité un tollé chez les démocrates. Plusieurs élus républicains ont également estimé que ce terme était inadapté à la situation.
Rfi