Les grands patrons au pays des «gilets jaunes»

Le château de Versailles accueille aujourd’hui la deuxième édition du sommet « Choose France ». Emmanuel Macron en a fait la vitrine internationale de la France pour attirer les investissements étrangers. Au total, 150 investisseurs français et internationaux y seront reçus par le président français qui dînera avec ses hôtes de marque, dans un contexte sensible, en pleine crise des « gilets jaunes ».

Le dispositif de sécurité prévu est très strict. Il y a peu de risque pour Satya Nadella, le patron de Microsoft ou Lakshmi Mittal, celui du groupe Mittal de croiser des « gilets jaunes ». Mais les images des manifestations hebdomadaires, les violences sur l’une des avenues les plus célèbres du monde, les Champs-Elysées, ces images, les grands patrons les ont bien vues à la télévision.

Un appel à garder le cap

Plusieurs représentants de filiales étrangères implantées en France ont pris la plume juste après le déclenchement du mouvement de protestation. Ils ont appelé Emmanuel Macron à ne pas reculer, et en particulier sur les réformes qui ont, d’après eux, attiré à nouveau les grands groupes internationaux sur les rivages français.

Rassurer les grands patrons

L’exécutif essaie désormais de rassurer les grands patrons. L’Elysée a demandé à une quinzaine de ministres d’être présents à Versailles. L’objectif, c’est aussi d’expliquer, par exemple, en quoi consiste le grand débat qu’Emmanuel Macron a entrepris de mener avec les Français. Surtout, de leur faire passer un message à ces patrons. Ce débat ne remet pas en question la ligne qu’il a répétée lors de ses vœux le 31 décembre dernier. Les réformes pour rendre la France plus compétitive continueront.

Plusieurs études ont montré cette année qu’en matière d’investissements directs étrangers, le pays avait depuis deux ans repris du poil de la bête : +31% entre 2016 et 2017… Plus de 1 000 projets d’implantation et d’extension, et en particulier dans l’industrie où la France se place première en Europe.

L’an dernier à Versailles, à l’issue de la première édition de « Choose France », 3,5 milliards d’euros d’investissements avaient été annoncés sur 5 ans. Ces dernières années, le pays était perçu comme une contrée hostile, notamment en raison de sa fiscalité, du coût du travail, et des lourdeurs administratives. Désormais, les représentants de filiales étrangères citent la réforme du Code du travail, la suppression de l’ISF, la réduction des charges et de l’impôt comme des atouts. Sans compter un capital sympathie et un cadre de vie agréable qui peuvent être des avantages en vue du Brexit.

Même à l’abri des regards, les patrons n’échapperont pas aux critiques

La presse, dans son carré réservé, sera tenue à l’écart des rencontres. Mais dans le contexte social tendu, l’ONG altermondialiste Attac a saisi l’occasion pour interpeller les patrons entre deux sommets, celui de Versailles et celui de Davos. Elle a rappelé l’écart toujours plus grand entre rémunération des patrons et des salariés, mais aussi le manque d’impact des mesures « pro business » sur l’emploi.

Les patrons de boîtes étrangères le disent eux-mêmes d’ailleurs… En tout cas ceux qu’a interrogés récemment l’institut Ipsos : 51% estiment que la réforme du Code du travail ne leur a pas permis d’embaucher. En général, le gouvernement répond qu’il faut plus de temps pour mesurer les effets des réformes.

L’impact de la crise des « gilets jaunes » sur l’attractivité française, compliquée à mesurer

Pour mesurer l’impact du mouvement sur l’attractivité française, il faudra du temps. Les annonces des patrons se voudront décisives en ce sens. Mais l’attractivité implique plusieurs facteurs : évidemment, il y a l’image d’un pays qui doit être entretenu, l’environnement des affaires qui doit être stable. Mais tout cela peut être altéré-annulé par le contexte mondial. Or, en 2019, entre la guerre commerciale lancée par Donald Trump, la hausse du coût du pétrole, la hausse des taux d’intérêt, le Brexit et des élections sous haute tension en Europe, il n’a jamais été aussi périlleux d’investir.

 

Rfi