L’Italie sera-t-elle le cheval de Troie de la Chine en Europe?

Le président chinois Xi Jinping sera en visite à Rome à partir de jeudi. Pour signer entre autre un protocole d’accord sur les nouvelles « routes de la soie ». Un projet qui affole les capitales européennes.

Au moment où les Vingt-Huit viennent de mettre au point un mécanisme pour surveiller les investissements étrangers, un dispositif défensif qui vise surtout Pékin, ce protocole d’accord est vécu comme un traumatisme. Comme si Pékin allait construire une autoroute directe avec l’un des pays fondateurs de l’Europe. Avec les nouvelles « routes de la soie », la Chine tisse sa toile dans le monde entier en participant à la construction des infrastructures qui facilitent les échanges entre elle et le reste du monde. Les projets concrets déjà dans les tuyaux alimentent ces craintes. State Grid, le monopole de l’Etat chinois sur la production électrique, pourrait entrer au capital de Terna, qui distribue le courant dans les foyers de la péninsule. Les Chinois seraient aussi intéressés par le développement de plusieurs ports italiens, Venise, Gênes et surtout Trieste sur l’Adriatique.

L’Italie deviendrait la tête de pont de la Chine en Europe ?

L’Italie n’est pas le premier pays européen à adhérer aux nouvelles « routes de la soie », treize autres pays européens l’ont déjà fait, sur les flancs Est et Sud du continent, mais ce serait le premier grand pays européen à pactiser avec Pékin. Un pays qui pèse : parce que c’est la troisième puissance économique de la zone euro et aussi parce que c’est encore un pays très endetté. Un maillon faible de l’union monétaire. Un pays devenu très suspect sur son engagement européen depuis qu’il est dirigé par les populistes de la Ligue et du mouvement Cinq étoiles.

Ce que les Européens redoutent par-dessus tout ce sont les clauses tacites de ce nouvel axe sino-italien : et si demain Pékin rachetait secrètement la dette italienne, mettant l’Italie et toute la zone euro à la merci de ce créancier chinois ? Et si après-demain, Rome faisait défaut sur ces ambitieux projets d’infrastructures, Pékin ne s’empresserait-il pas de mettre la main sur les ports, comme il l’a fait au Sri Lanka ?

Malgré les critiques européennes, et américaines, le gouvernement italien espère toujours finaliser l’accord

L’accord toujours en cours de négociation prévoit maintenant que les investissements soient financés non pas directement par des opérateurs chinois, mais par la Banque asiatique d’investissement dans les infrastructures, une banque de développement lancée par la Chine, mais qui se conforme aux standards européens selon une information duFinancial Times. Voilà de quoi rassurer Bruxelles.

Pour tranquilliser les Américains, le gouvernement insiste sur le fait que Huawei, que Donald Trump rêve d’écarter des marchés du monde entier, n’est pas concerné. Enfin, le Premier ministre doit aussi calmer les dissensions au sein même de la coalition. Après avoir soutenu les négociations menées par un ministre Cinq étoiles, Matteo Salvini dit aujourd’hui refuser que l’Italie ne soit colonisée par des entreprises étrangères.

Pourquoi l’Italie est-elle si attachée à ces nouvelles « routes de la soie » ?

Les discussions avec Pékin ont commencé en 2017, l’Italie est alors dirigée par les sociaux-démocrates. Rome est déjà à la recherche de nouvelles sources de financement pour doper son économie chancelante. Et surtout l’Italie espère obtenir en retour un accès élargi et privilégié au marché chinois. Elle est aujourd’hui la 19e partenaire commerciale de la Chine avec 13 milliards d’euros d’exportation quand la France exporte pour 20 milliards et l’Allemagne près de 65 milliards.

EN BREF

L’Allemagne lance aujourd’hui les enchères pour les chantiers de la 5G. Berlin ne tiendra pas compte des injonctions américaines. Les quatre opérateurs en lice pour obtenir 41 blocs de fréquence sont donc libres de se fournir auprès du chinois Huawei, ce qu’ils font déjà. A condition de remplir un cahier des charges assez strict sur la sécurité.

Paris est aujourd’hui la ville la plus chère du monde, avec Singapour et Hong Kong. Selon le classement publié par le magazine The Economist, la capitale française a rejoint les deux cités asiatiques à la première place à cause des prix élevés du logement et des services. Comparée aux autres villes européennes, tout y est plus cher, à l’exception de l’alcool, du tabac et des transports publics.

 

Rfi