Le traditionnel conseil franco-allemand annuel s’est transformé en sommet de crise. En pleine turbulence politique avec ses alliés de la CSU bavaroise qui demandent plus de fermeté dans la politique migratoire, Angela Merkel est venue chercher du soutien de la part d’Emmanuel Macron. Objectif : afficher des positions communes sur divers dossiers européens avant le Conseil européen de la semaine prochaine. Principale avancée : les deux chefs d’État ont annoncé leur volonté de mettre en place un budget commun pour la zone euro visant à mieux la protéger contre les crises, un dossier cher à Emmanuel Macron. Pour autant, il reste encore bien des détails à régler.
Ses contours demeurent encore flous, mais pour Emmanuel Macron l’essentiel est là : la zone euro aura son propre budget en 2021. C’est là où les travaux ont été les plus compliqués, a convenu Angela Merkel, signale notre envoyée spéciale à Berlin, Anastasia Becchio.
Le président français plaidait de longue date pour l’instauration d’un tel instrument de solidarité et de stabilité pour les dix-neuf Etats de la zone euro. La chancelière allemande a précisé que ce budget pourrait être alimenté par des contributions nationales ou les recettes d’une éventuelle taxe sur les transactions financières.
Tout cela reste encore à définir et à négocier tout comme le montant de ce budget. Aucun chiffre n’a d’ailleurs été avancé. Paris et Berlin ne sont pas vraiment sur la même longueur d’onde. Les Français plaident pour des centaines de milliards d’euros, les Allemands, quelques dizaines seulement.
Question migratoire
Affaiblie politiquement, Angela Merkel affirme que le budget de la zone euro sera soutenu par sa coalition. Une coalition plus que jamais divisée sur un autre dossier clé de ce conseil franco-allemand : la question migratoire.
La chancelière, sous pression de ses alliés bavarois de la CSU, avait besoin du soutien d’Emmanuel Macron. Les deux dirigeants ont annoncé qu’ils allaient travailler à un accord entre plusieurs pays de l’espace Schengen visant à refouler tout demandeur d’asile vers l’Etat où il a été enregistré en premier, une idée, qui si elle était concrétisée, pourrait plaire au très conservateur ministre allemand de l’Intérieur.
Peu d’enthousiasme dans la presse
La presse allemande n’est pas enthousiaste après la rencontre de Meseberg, écrit notre correspondant à Berlin, Pascal Thibaut. D’ailleurs les photos d’Angela Merkel et d’Emmanuel Macron ne font pas la Une des journaux comme on a pu le voir comme de précédentes rencontres entre les deux dirigeants.
Les journaux insistent d’un côté sur un couple franco-allemand dont la physionomie a changé : « D’un côté une chancelière en difficulté, de l’autre un président disposant de marges de manœuvres dans son pays et qui joue les Helmut Kohl pour façonner l’Europe », écrit en Une le quotidien conservateur Frankfurter Allgemeine Zeitung.
Mais, si la chancelière est en difficulté et a bénéficié sur les dossiers migratoires du soutien d’Emmanuel Macron, la presse allemande analyse les résultats de la rencontre avec retenue et scepticisme : « La grande réforme de l’Europe présentée par le président français à l’automne serait due à l’arrivée à un catalogue de mesures timides, mais c’est déjà ça », analyse un quotidien régional.
Mais les propositions franco-allemandes faites hier à Meseberg ont beau être critiquées par la presse pour leur modestie, elles vont apparemment déjà trop loin pour certains. D’après le quotidien Bild-Zeitung, le parti chrétien social bavarois, allié d’Angela Merkel et en conflit avec cette dernière sur la question migratoire, trouve que les mesures proposées pour réformer la zone euro vont trop loin.
■ Migrants : Juncker défend Merkel face à Trump
Contrairement à ce qu’affirme Donald Trump, la criminalité a chuté à 9,6% en Allemagne en 2017. C’est ce qu’a mis en avant Angela Merkel, répondant aux affirmations du président américain, qui estimait dans un message sur Twitter lundi, que la criminalité était en hausse en Allemagne en raison de la politique migratoire libérale de la chancelière.
« Le peuple allemand se dresse contre son gouvernement alors que l’immigration met à mal la coalition déjà fragile à Berlin », a écrit Donald Trump. Des propos condamnés par le président de la Commission européenne, Jean Claude Juncker, venu s’entretenir avec Angela Merkel et Emmanuel Macron en marge du sommet franco-allemand de Mersberg.
« Nous sommes dans une confrontation violente avec le président américain sur les questions commerciales, a-t-il affirmé. Sur le commerce, il réagit toujours de façon épidermique, on doit s’y habituer. Mais cette façon de se mêler de la politique intérieure allemande, je trouve qu’on n’a pas d’autre choix que de le refuser avec la plus grande fermeté. Ça n’est pas le rôle d’un président américain de spéculer, comme il l’a fait, que le peuple allemand allait marcher vers la chancellerie afin de se débarrasser de Mme Merkel. Ça n’est pas à M. Trump de décider qui va remplacer Mme Merkel, c’est aux électeurs allemands, à la rigueur, de le faire. M. Tump gouverne peut-être les Etats-Unis, mais il ne gouverne pas l’Europe. »
rfi