Selon le Consortium international des journalistes d’investigation, l’île Maurice contribuerait à assécher les finances de leurs partenaires africains, en les privant d’une partie de leurs recettes fiscales. « Nous pensons qu’en l’absence d’une étude approfondie, ces accusations ne sont pas acceptables », déclare à RFI Sudhir Sesungkur, le ministre des Services financiers et de la Bonne gouvernance. Entretien.
Le Consortium international des journalistes d’investigation se base sur les fuites d’un cabinet d’avocat expert en optimisation fiscale. Le régime fiscal avantageux de Maurice conjugué aux accords de non double-imposition passés avec une quinzaine de pays africains pousse les compagnies multinationales à domicilier dans l’île, une partie de leurs affaires pour échapper à l’impôt. Certains pays comme le Sénégal, jugeant ces accords déséquilibrés, souhaitent les renégocier.
RFI : D’après les révélations du Consortium international des journalistes d’investigation, Maurice contribuerait à assécher les finances de leurs partenaires africains. Qu’en pensez-vous ?
Sudhir Sesungkur : Tout cela est une question de perception, un rapport des Nations unies en 2019, prouve clairement que le centre financier mauricien a contribué énormément en termes d’apport de capitaux étrangers. Nous pensons qu’en l’absence d’une étude approfondie, ces accusations ne sont pas acceptables. Récemment, l’OCDE a fait un travail minutieux pour évaluer notre système de taxation et notre régime fiscal, pour conclure qu’ils sont conformes avec les règlements internationaux. Ces accusations que l’on nous fait sont des accusations frivoles que ne reposent pas sur une analyse en profondeur.
Vous dites que le centre financier mauricien apporte en Afrique des capitaux étrangers, pourtant un rapport du FMI qui date de 2018 affirme que le régime fiscal favorable de votre pays n’a pas entraîné pour les pays africains de hausse significative des investissements étrangers.
Nous pensons, nous, que les accords de non double imposition apportent une certitude aux investisseurs. Et cette certitude est une chose importante. Les investisseurs sont plus enclins à venir quand ils sont certains de la base d’imposition. Si vous me dites que le FMI trouve que cela n’est pas important d’avoir cette certitude, je ne commenterais pas cette position.
Certains de vos partenaires comme le Sénégal critiquent des accords qu’ils ont pourtant signés, en disant qu’ils ne leurs sont pas favorables et qu’il faudrait les renégocier.
Mais tous les accords de non double-imposition prévoient des clauses de renégociation, si jamais l’un des partenaires estime qu’il faut les renégocier et rééquilibrer l’accord. C’est tout à fait normal ! Et d’ailleurs, nous sommes en train de renégocier avec le Sénégal. Nous-mêmes, nous l’avons fait dans 60% des cas, et nous sommes souvent ceux qui prennent les devants. C’est un exercice dynamique.
Si vous avez renégocié vos accords dans 60%, c’est bien qu’il y avait un problème ?
Je vous dis que c’est un processus dynamique. Lorsque vous signez un accord, dix ans après vous ne pouvez pas prévoir quel est le nouvel environnement des affaires, donc, quand la donne change, vous devez vous adapter.
L’Union européenne a placé Maurice sur la liste grise des paradis fiscaux, et estime que vos règles fiscales sont trop agressives et trop déstabilisatrices. Qu’en dites-vous ?
Non, nous avons été contrôlés et évalués et Maurice n’est pas un paradis fiscal. Ce n’est pas exact de dire cela. L’Union européenne étant un partenaire important dans notre relation commerciale, trouve qu’il y a quelques améliorations additionnelles à faire. Et nous l’avons fait, car nous voulons jouer le jeu et être conformes avec les règlements internationaux. Mais nous pensons que l’instance à laquelle il faut se fier, c’est l’OCDE, car ce sont eux les experts en la matière. Mais à la demande de l’Union européenne, nous avons corrigé certains points, c’est une question de semaines ou de mois et nous serons totalement en conformité avec les règlements européens.
Un rapport de la Banque mondiale de mars 2018 souligne la prospérité de l’île Maurice, mais met en lumière le fait que cette prospérité n’est pas partagée par tous les Mauriciens et que les inégalités s’accroissent. N’est-ce pas inquiétant ?
Il n’y a pas de rapport direct entre la prospérité des Mauriciens et les activités des services financiers. Bien sûr, le secteur financier est important, mais nous pensons que d’autres secteurs contribuent dans la création de richesse à Maurice. Il est clair que la prospérité à Maurice continue d’augmenter, et nous pensons que notre travail porte ses fruits. Je pense que c’est un processus continuel, nous devons travailler pour augmenter la richesse des Mauriciens.