Les Bourses européennes ont vécu lundi l’une de leurs pires séances depuis la crise financière de 2008 avec l’effondrement des cours du pétrole, un facteur de déstabilisation supplémentaire pour des marchés déjà confrontés à l’épidémie de coronavirus, aux risques de récession et à la perspective d’une baisse marquée des taux d’intérêt.
À Paris, le CAC 40 a terminé en recul de 8,39% (431,2 points) à 4.707,91 points, après être tombé en séance à 4.691,20. Cette chute, la plus marquée sur une séance depuis octobre 2008, au plus fort de la crise financière, ramène l’indice parisien au plus bas depuis janvier 2019.
A Londres, le FTSE 100 a perdu 7,25% et à Francfort, le Dax a reculé de 7,94%. L’indice EuroStoxx 50 a cédé 8,45%, le FTSEurofirst 300 7,13% et le Stoxx 600 7,44%, là encore du jamais vu depuis octobre 2008.
Ce dernier, comme le CAC 40, accuse désormais un repli de plus de 20% par rapport à son pic de février, ce qui correspond à la définition d’un marché baissier (“bear market”).
Le repli a été plus marqué encore pour les actions italiennes: la Bourse de Milan a abandonné 11,17% au lendemain de l’annonce de nouvelles mesures de confinement qui touchent près du quart de la population du pays, dont la Lombardie, son principal pôle économique, pour tenter de freiner la propagation de l’épidémie de coronavirus qui a déjà fait plus de 350 morts dans le pays.
La principale cause de la baisse généralisée des actions reste toutefois la décision de l’Arabie saoudite de baisser ses prix de vente et d’augmenter sa production, conséquence de l’échec des discussions entre l’Opep et la Russie la semaine dernière à Vienne pour tenter de soutenir les cours.
“La violence du choc pétrolier constitue une nouvelle urgence dans le contexte de la réduction généralisée de l’exposition au risque qui balaie l’ensemble des marchés mondiaux”, explique dans une note Paul O’Connor, responsable multi-actifs chez Janus Henderson.
“En un peu plus de deux semaines, le sentiment des investisseurs a basculé de la complaisance à la panique. Ce qui avait débuté par une diminution de l’exposition au risque liée au virus s’est transformé en capitulation généralisée sur de nombreux actifs.”
PÉTROLE
Le marché pétrolier affiche de fait des variations suggérant une véritable capitulation: le Brent chute de 20,68% à 35,91 dollars le baril et le brut léger américain (West Texas Intermediate, WTI) de 19,69% à 33,15 dollars.
De telles baisses sont inédites depuis 1991, pendant la première guerre du Golfe et le prix du Brent est retombé à son niveau de début 2016.
Au-delà de la rupture au sein de l’”Opep+” et du revirement stratégique de Ryad, le marché se prépare à une diminution durable de la demande mondiale de brut: selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), celle-ci devrait accuser cette année sa première baisse depuis 2009.
A WALL STREET
Au moment de la clôture en Europe, Wall Street évoluait elle aussi dans le rouge, le Dow Jones cédant 6,29%, le Standard & Poor’s 500 5,92% et le Nasdaq Composite 5,17%.
L’ampleur de leur chute avait conduit à une suspension des transactions pendant un quart d’heure en tout début de séance, les autorités de marché activant les “coupe-circuits” mis en place après la crise financière de 2008-2009; la baisse du Dow Jones avait en effet dépassé 2.000 points dans les premières minutes d’échanges et celle du S&P avait atteint plus de 7%.
Le secteur de l’énergie perdait 17,33%, conséquence directe de l’effondrement du marché pétrolier, qui menace notamment la rentabilité du secteur du pétrole de schiste. Celui de la finance cédait 9,55% avec la chute des rendements obligataires et les spéculations sur une possible poursuite de la baisse des taux de la Réserve fédérale.
VALEURS
Aucun secteur de la cote européenne n’a été épargné mais les chutes les plus marquées ont touché le compartiment du pétrole et du gaz, dont l’indice Stoxx a cédé 16,83%, et celui des matières premières (-10,28%).
Parmi les grandes compagnies pétrolières, Total a perdu 16,61%, BP 19,48% et Royal Dutch Shell 17,6%, certains investisseurs s’interrogeant notamment sur leur capacité à maintenir leur dividende.
Du côté des parapétrolières, dont certaines affichent une situation financière jugée préoccupante, CGG a vu sa valeur boursière fondre de 37,48%, Vallourec a perdu 21,57% et TechnipFMC 23,3%.
Le secteur des banques affiche un repli de 10,72% sur la journée et celui des seules valeurs bancaires de la zone euro (-12,79%) a touché son plus bas niveau historique. La baisse atteint 17,65% pour la Société générale, 16,86% pour le Crédit agricole et 12,28% pour BNP Paribas.
L’indice Vix de volatilité de l’EuroStoxx 500 s’est envolé de plus de 30% sur la journée pour atteindre son plus haut niveau depuis 2008.
LES INDICATEURS DU JOUR
La chute du pétrole, des actions et des rendements obligataires a totalement éclipsé l’annonce d’un rebond de 3% de la production industrielle allemande en janvier, d’autant que les exportations de l’Allemagne vers la Chine affichent pour la période une chute de 6,5% sur un an.
Par ailleurs, l’indice Sentix du moral des investisseurs dans la zone euro est tombé à -17,1 en février, son plus bas niveau depuis avril 2013.
CHANGES
Sur le marché des devises, l’aversion au risque favorise le yen et le franc suisse tandis que le dollar affiche une baisse de plus de 1% face à un panier de référence.
L’euro profite de la faiblesse du billet vert pour remonter à plus de 1,1450 dollar (+1,5%) après un pic à 1,1492.
TAUX
La chute des rendements obligataires est presque aussi spectaculaire que celle des actions: dans la zone euro, celui du Bund allemand à dix ans a cédé près de 12 points de base pour revenir à -0,848% et aux Etats-Unis, celui des Treasuries à dix ans a inscrit un nouveau plus bas historique à 0,318% avant de remonter au-dessus de 0,5%.
La journée a aussi été marquée par un bref passage en territoire négatif des rendements britanniques jusqu’à sept ans inclus, du jamais vu sur le marché des “gilts”.
Au-delà de l’impact de l’aversion au risque, ces mouvements intègrent les anticipations de baisse des taux d’intérêt: les marchés tablent désormais sur trois baisses d’ici fin octobre pour la Banque centrale européenne (BCE), qui se réunit jeudi et certains observateurs n’excluent plus l’hypothèse de taux négatifs aux Etats-Unis.