Nouvelle-Calédonie: les indépendantistes au pouvoir, un «événement historique»

Nouvelle-Calédonie: les indépendantistes au pouvoir, un «événement historique»
Nouvelle-Calédonie: les indépendantistes au pouvoir, un «événement historique»

Les indépendantistes ont remporté la majorité au gouvernement collégial de Nouvelle-Calédonie pour la première fois en 40 ans. Une nouvelle donne pour l’archipel français du Pacifique, tiraillé par les tensions avant un troisième référendum sur l’indépendance d’ici 2022.

Leur pari est réussi. Quinze jours après avoir fait tomber le dernier gouvernement, les indépendantistes prennent la tête de l’exécutif avec six sièges sur les onze de la nouvelle équipe. C’est une première en quarante ans en Nouvelle-Calédonie, à un an d’un possible troisième et dernier référendum sur l’indépendance. Un « évènement historique » pour Daniel Goa, le chef du parti indépendantiste Union calédonienne. « On est devenu majoritaires dans le pays. Malgré ça, on n’est pas majoritaires sur le référendum. Mais c’est à nous de travailler pour que les gens soient convaincus qu’il y a un autre modèle à proposer plutôt que de continuer à diviser la société comme c’est le cas aujourd’hui », analyse-t-il.

Des indépendantistes divisés
Mais tout ne s’est pas passé comme prévu pour les formations indépendantistes. L’UC-FLNKS espérait une victoire sans appel. Avec 3 sièges ils vont devoir partager le volant avec l’UNI (l’autre composante indépendantiste), qui en a aussi remporté 3. Les deux partis sont désormais en plein bras de fer pour imposer leur candidat à la présidence du gouvernement. Une première réunion a échoué. Une nouvelle réunion est prévue lundi 22 février. En attendant, le gouvernement sortant continue d’expédier les affaires courantes.

Le camp anti-indépendantiste sceptique
Les loyalistes dénoncent un « déni de démocratie ». Pour eux, le système institutionnel calédonien est « à bout de souffle », le choix de la population qui a déjà dit « non » à deux reprises à l’indépendance ne serait plus pris en compte. D’autres s’inquiètent d’une majorité instable ou d’un gouvernement trop partial et attendent que les indépendantistes fassent leur preuve. Philippe Michel, du groupe loyaliste Calédonie ensemble, doute de la crédibilité du nouveau gouvernement : « Ce qui nous importe, c’est que ce nouveau gouvernement soit opérationnel le plus rapidement possible. Parce qu’on a besoin d’un gouvernement pour voter un budget et éviter une mise sous tutelle. Parce qu’on a besoin d’un gouvernement opérationnel pour régler les problèmes de l’usine du Sud qui empoisonnent la vie des Calédoniens. Et beaucoup d’autres sujets… », explique-t-il lors d’un entretien télévisé.

Prudence à Paris
Dans une première réaction, le gouvernement a pesé chaque mot en attendant que le nouvel exécutif calédonien soit au complet. « La porte du gouvernement reste plus que jamais ouverte », assure Sébastien Lecornu. Le ministre des Outre-mer voit dans la formation du nouveau gouvernement une chance de renouer le fil du dialogue alors que les contacts avec les indépendantistes sont au point mort. Un conseiller explique : « Quand on dirige l’exécutif, on ne peut pas dire non aux discussions, ça va les responsabiliser ».

Quels changements ?
Sur l’usine de nickel du Sud, les indépendantistes ont désormais plus de poids pour faire pression sur l’État français. L’offre de reprise de cette usine par le groupe suisse Trafigura est rejetée par les indépendantistes. Ils craignent de perdre le contrôle sur le nickel, richesse de l’archipel. Ils demandent donc à Paris de sanctuariser l’accès au nickel. Le gouvernement français a plusieurs options : entrer au capital de la future entité ou bien garantir des prêts. Le dossier est toujours en suspens entre le ministère des Outre-mer et celui de l’Économie.

L’inconnue du prochain référendum
La dernière étape prévue par les accords de Nouméa de 1998 qui organise la décolonisation, c’est le troisième et dernier référendum, l’aboutissement. Oui ou non à l’indépendance ? Les indépendantistes kanaks espèrent que ce scrutin sera le bon. Mais en prenant les rênes à Nouméa, ils auront un bilan à défendre. C’est souvent moins facile d’être aux manettes que dans l’opposition.

Les prochaines semaines seront un vrai test. Entre le vote du budget, l’avenir de l’usine de Vale et la préparation du référendum, les indépendantistes vont devoir faire leur preuve et rassurer.

rfi