Nucléaire iranien: comment comprendre les dernières annonces de Téhéran

Après avoir dépassé le plafond imposé par l’accord de 2015 concernant les stocks d’uranium, l’Iran menace de pousser l’enrichissement au-delà de la limite autorisée, faisant à nouveau planer le spectre de l’arme atomique. Décryptage.

Quand en 2015, à Vienne, les grandes puissances signent un accord avec l’Iran, leur but est de rendre quasiment impossible pour Téhéran la fabrication d’une bombe atomique. Tout en lui permettant de conserver un programme nucléaire civil et en lui garantissant la levée d’une partie des sanctions internationales qui asphyxiaient son économie.

Mais le 8 mai dernier, un an après le retrait américain, Téhéran a annoncé que, devant l’impuissance des autres signataires pour alléger le poids des sanctions américaines, il renonçait à respecter deux clauses de l’accord sur son programme nucléaire : la limitation de ses stocks d’uranium faiblement enrichi et d’eau lourde.

Pourquoi un plafond à 300 kg ?

Le plafond fixait la limite de stockage à 300 kg d’hexafluorure d’uranium (le mélange de gaz d’uranium et de fluor qui permet d’alimenter les centrifugeuses pour procéder à l’enrichissement), ce qui correspond à 202,8 kg d’uranium faiblement enrichi. Et 1,3 tonne d’eau lourde.

La menace a donc été mise à exécution le 1er juillet, comme l’a confirmé l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) qui indiquait ce jour-là que les stocks iraniens s’élevaient à 205 kg d’uranium faiblement enrichi.

Une annonce qui a déclenché des réactions tantôt menaçantes, tantôt inquiètes. Tandis que la Maison Blanche maniait encore le bâton, assurant vouloir poursuivre sa campagne de « pression maximale » sur l’Iran, Berlin, Londres, Paris et l’Union européenne se sont déclarés « extrêmement inquiets ». Pékin et Moscou exprimant leurs regrets et appelant toutes les parties « à la retenue ».

Car le seuil des 300 kg n’a pas été fixé au hasard. C’est le résultat d’un calcul très précis. « Lorsque l’accord de Vienne a été négocié, l’objectif des E3+3 [France, Allemagne, Royaume-Uni, États-Unis, Russie et Chine, NDLR] était de s’assurer que l’Iran ne pourrait pas disposer de la matière fissile nécessaire à une arme en moins d’un an », explique un expert international sur le nucléaire.

Mais la quantité ne suffit pas, il faut prendre en compte une autre donnée dans l’équation : la qualité. Dans la nature, l’uranium se compose à 99,3% d’U-238 et à 0,7% d’U-235. Seule cette dernière partie de la matière est dite « fissile », c’est-à-dire explosive. Pour servir de combustible dans une centrale nucléaire et produire de l’électricité, le taux d’U-235 doit se situer entre 3% et 5% environ. Pour y arriver, il faut donc enrichir l’uranium afin d’augmenter la proportion d’U-235.

Risques limités

Pour l’heure, l’uranium iranien est seulement enrichi à hauteur de 3,67%. Or, pour être utilisé à des fins militaires, il faut monter jusqu’à 90%. Passer de 3,67% à 90% demande des moyens importants, notamment en termes de centrifugeuses, les machines qui permettent de séparer l’U-238 de l’U-235. Et par cet accord, la République islamique s’est aussi engagée à limiter le nombre de centrifugeuses actives sur son territoire. Seules 5 060 restent actives contre 19 000 auparavant.

Pour résumer le calcul, les négociateurs ont considéré qu’avec 5 060 centrifugeuses et 300 kg d’hexafluorure d’uranium, les Iraniens ne seraient pas en mesure de fabriquer une bombe atomique dans un laps de temps de moins d’un an. « Ce qui laissait le temps à la diplomatie et aux relations internationales de jouer leur rôle en cas de crise », ajoute l’expert international.

« Au niveau technologique, l’Iran aurait les capacités de fabriquer une arme atomique, estime Mehran Mostafavi, enseignant-chercheur au laboratoire de chimie physique à l’Université Paris-Sud, mais dans un temps très long. » D’autant que les installations iraniennes de Natanz correspondent à la première génération de centrifugeuses. « Ce sont des technologies vieilles de 40-50 ans, souligne-t-il. Si l’on compare avec des équipements français, on peut considérer qu’elles sont environ 25 fois moins efficaces en termes d’enrichissement. »