Pourquoi la guerre en Ukraine pourrait déclencher des famines en Afrique

Pourquoi la guerre en Ukraine pourrait déclencher des famines en Afrique

« La guerre en Ukraine pourrait déclencher un ouragan de famine ». C’est le cri d’alarme lancé hier, lundi 14 mars, par Antonio Guterres, le secrétaire général des Nations unies. Il évoque un effondrement du système alimentaire mondial. L’Afrique en serait la première victime.

Car aujourd’hui, 45 pays africains ou pays les moins avancés importent au moins un tiers de leur blé d’Ukraine ou de Russie. Parmi eux, la République démocratique du Congo, la Somalie, le Burkina Faso ou encore la Libye. La directrice du Fonds monétaire international, Kristalina Georgevia, le résume d’une formule éloquente : « La guerre en Ukraine signifie la faim en Afrique ». Car, au cours actuel du blé, 400 euros la tonne, la céréale devient hors de prix pour les pays les plus faibles sur le plan économique.

Le magnat russe des engrais Andreï Melnitchenko est catégorique : « La guerre doit être stoppée ou il y aura une crise alimentaire mondiale […]. Au niveau actuel du cours des engrais, poursuit-il, les paysans ne peuvent plus semer. » C’est donc une crise alimentaire de longue haleine qui est en préparation, l’approvisionnement immédiat est compliqué et celui de la prochaine saison paraît encore plus improbable.

La famine guette déjà dans certains pays du pourtour méditerranéen et d’Afrique subsaharienne
Les pays dévastés par la guerre sont les plus fragiles, comme le Yémen ou le Soudan du Sud où des millions d’habitants n’auront bientôt plus de quoi se nourrir. À trois semaines du début du ramadan, la situation est également tendue en Afrique du Nord. L’Égypte, le premier importateur mondial, se hâte de terminer ses achats pour remplir ses réserves stratégiques.

L’Algérie a annoncé hier l’interdiction des exportations alimentaires. Quant à la Tunisie, elle endure depuis plusieurs semaines des pénuries de semoule, de blé ou de farine. Elle importe la moitié de ses besoins en blé et l’Ukraine est son principal fournisseur.

Mais l’Ukraine, l’un des greniers à blé de la planète, ne peut plus expédier sa marchandise
À cause de la fermeture des ports de la mer Noire, ils sont aujourd’hui sous le feu des bombes et cernés par la marine russe. L’Ukraine fournit environ 8% du blé exporté dans le monde, c’est pourquoi sa soudaine disparition du marché mondial fait flamber le cours de la principale céréale consommée dans le monde.

D’ordinaire, quand un grand exportateur fait défaut, les concurrents prennent le relais, ce qui atténue les tensions sur les cours. Mais cette année, la sécheresse a vidé les réserves : celles des États-Unis, le deuxième exportateur mondial, sont au plus bas. Et la Chine, elle aussi très affectée par le manque d’eau, prévoit d’importer beaucoup plus : 9 millions de tonnes de blé, 50% en plus par rapport aux années précédentes.

Résultat : plusieurs pays suspendent leurs exportations alimentaires
Au nom de la sécurité alimentaire ou pour tenter de limiter l’inflation. Et ce faisant, ils aggravent la crise à venir. L’Argentine a annoncé hier la suspension de toutes ces exportations d’huile ou de farine de soja. Depuis une semaine, l’Indonésie restreint ses ventes d’huile de palme, la moins chère et la plus consommée au monde. Enfin, le premier exportateur mondial de blé, la Russie, pourrait suspendre ses exportations jusqu’au 30 juin. Ce grand producteur a aussi souffert de la sécheresse.

De toute façon, l’origine russe est déjà sortie du marché, en raison du blocage des ports. La hausse du pétrole et des engrais, deux matières premières essentielles dans la production agricole, pourrait dissuader les grands céréaliers de semer davantage. Un autre facteur d’aggravation de la crise alimentaire. Une donnée qui, visiblement, n’a pas prise sur les Ukrainiens. Les cultivateurs sont dispensés de mobilisation générale pour se consacrer aux semis de printemps.
RFI