Au Maroc les salariés de Danone ont manifesté cette nuit devant le Parlement. Ils demandent instamment au gouvernement d’agir pour mettre fin au boycott qui a fait chuter les ventes du lait Danone. Cet appel contre la cherté de la vie vise aussi l’eau minérale Sidi Ali et le carburant des stations Afriquia.
Le mouvement lancé fin avril sur Facebook de façon anonyme est de plus en plus populaire: 42% des consommateurs se détournent désormais des produits ciblés selon un sondage effectué par le journal marocain Tel Quel. Centrale Danone, le nom de la filière marocaine du groupe agroalimentaire français, comme les eaux Oulmès, communiquent, s’expliquent. Sans aucun effet sur leurs ventes. Comme si l’enjeu était ailleurs. Même les partisans du boycott reconnaissent que l’argument de la hausse excessive des prix n’est pas toujours fondé. Seule l’essence a réellement et fortement augmenté, à la faveur de la libéralisation. Mais cela ne concerne pas que Afriquia: tous les distributeurs en ont profité pour relever leurs marges, un récent rapport parlementaire en atteste. En revanche le prix du lait n’a pas bougé depuis 2013. Enfin l’eau Sidi Ali est bien l’une des plus chères, mais son distributeur affirme contenir ses prix depuis 2010, et les alternatives ne manquent pas, le marché de l’eau minérale est en pleine expansion.
Alors pourquoi viser ces produits ?
« Ils sont tous en position dominante sur leur créneau » explique Oudi Madih, le secrétaire général de la Fédération des associations de consommateurs. Ils sont donc soupçonnés de faire la loi sur le marché. « Les Marocains ont le sentiment diffus que le jeu de la concurrence n’est pas clair et cela contribue à leur révolte » ajoute ce militant qui approuve le mouvement. Oudi Madih compare aussi les prix des laits marocain et français et il s’étonne que l’écart ne soit pas plus avantageux pour le consommateur marocain alors que le coût de la matière première est proche mais la main d’œuvre quatre fois moins chère au Maroc. Ce genre de comparaisons internationales fleurit sur les réseaux sociaux et renforce l’appel au boycott.
Pourquoi les promotions décidées par Centrale Danone n’ont pas réussi à calmer les esprits ?
« Les clients se sentent dupés, selon Oudi Madih, parce qu’une promotion n’est pas une baisse durable des prix ». Une opinion qui éclaire sur la défiance grandissante des Marocains à l’égard des autorités de leurs pays. Ce boycott est en fait plus politique que social. C’est d’ailleurs la première explication qui a été avancée. On a même parlé de complot pour affaiblir le pouvoir en visant des entreprises dirigées par des personnalités en vue. Le propriétaire d’Afriquia a été ministre et l’actuelle dirigeante des eaux Oulmès a auparavant présidé l’organisation représentant les patrons marocains. Mais le boycott qui se voulait un signal est aujourd’hui dépassé par son succès.
Certains y voient la déclinaison locale d’un mouvement mondial de rejet des élites.
A l’image du vote Trump ou du vote populiste en Europe. Les Marocains expriment dans les magasins ce qu’ils ne disent pas dans les urnes ou dans la rue parce que les manifestations sont violemment réprimées. Mais il n’y a pas de volonté de déstabiliser le pays disent plusieurs observateurs. Ce boycott est plutôt l’expression d’une crise de la médiation. Dans un pays où les partis politiques, les syndicats, ont perdu leur légitimité. C’est aussi l’avis d’Oudi Madih qui déplore l’absence de régulation indépendante. Il y a bien un conseil de la concurrence dont les pouvoirs ont même été renforcés en 2013 mais les Marocains attendent toujours qu’il entre vraiment en fonction.
►En bref
Facebook une nouvelle fois sur le banc des accusés
Pour avoir partagé les données de ses clients avec des fabricants chinois de téléphone, entre autres avec Huawei. Officiellement ce partage devait permettre aux industriels d’installer l’application du réseau sur leurs appareils. Mais personne ne sait ce qu’il est advenu des informations collectées sans l’autorisation des usagers. Elles ont pu être transférées sur d’autres serveurs chinois. Une hypothèse qui déchaine la colère des parlementaires américains.
Le prix des communications téléphoniques entre les pays européens sera à l’avenir plafonné.
Il varie aujourd’hui entre 5 à 80 centimes d’euro la minute entre les pays membres de l’Union européenne. Il ne pourra pas dépasser les 19 centimes d’euro la minute selon l’accord trouvé cette nuit entre le parlement européen et les Etats membres. Un accord qui doit encore être approuvé et adopté avant d’entrer en vigueur.
rfi