Nous, peuple guinéen libre et souverain, résolu à garder intacts les acquis de la République et de l’indépendance de la Guinée proclamés le 2 octobre 1958 ;
– Résolu à bâtir un État de droit garantissant à toutes les filles et à tous les fils de Guinée, l’exercice des droits individuels et collectifs, l’égalité, la liberté, l’équité, le bien-être, la transparence et la bonne gouvernance ;
– Résolu à construire une nation pacifiée, réconciliée et prospère, dans une société de concordance, à travers d’une démocratie consensuelle et une gouvernance de consensus ;
– Profondément attaché aux valeurs ancestrales de solidarité, de paix, de fraternité, d’entente nationale et de justice sociale ;
– Soucieux de maintenir la cohésion nationale et de promouvoir développement et l’émergence de la République de Guinée ;
– Considérant le caractère légitime et populaire de la prise d’armes historique du 5 septembre 2021, ayant conduit au dépôt du Président Alpha Condé ;
– Considérant le lourd tribut payé par les dignes fils et filles de Guinée, à travers des innombrables pertes en vies humaines, au cours d’une décennie de violence, d’injustice et d’arbitraire ;
– Considérant la légitimité de la lutte non-violente et du combat des forces de défense et de sécurité pour la restitution du pouvoir au peuple et la fin du machiavélisme constitutionnel ;
– Comprenant l’inquiétude de la communauté africaine et internationale ;
– Décidé à relever les défis majeurs auxquels la Guinée sera confronté tout au long de la période de la transition et après ;
– Considérant notre engagement à respecter des principes généraux et valeurs démocratiques prévus par la Charte Africaine de la Démocratie, des Élections et de la Gouvernance du 30 janvier 2007 de l’Union Africaine ainsi que le Protocole A/SP1/12/01 du 21 décembre 2001 de la CEDEAO sur la démocratie et la bonne gouvernance ;
– Tirant les leçons de l’histoire politique de la Guinée marquée par la dictature de Ahmed Sékou Touré (1958-1984) et de l’autocratie du Général Lansana Conté (1984-2008) d’une part, et d’autre part, par la fébrilité militaro-politique du Capitaine du Dadis Camara (2008-2010) et du Général Sékouba (2010), jusqu’à la dérive anti-démocratique du Président Alpha Condé (2010-2020) ;
– Conscients de l’urgence absolue de doter la Guinée d’organes de transition fiables afin de combler le vide institutionnel dans la conduite des affaires de l’État ;
– Approuvons et adoptons la présente Charte de la Transition qui remplace et annule la Constitution du 22 mars 2020.
TITRE I :
LE SYSTÈME DE VALEURS
Article 1 : Outre les principes généraux de droit et à l’effet de mener à bien la période transition, la présente Charte privilégie le système de valeurs suivant :
– la paix et l’entente communautaire ;
– la vérité, le dialogue et la tolérance ;
– l’unité, le travail et la discipline ;
– la justice et l’inclusion ;
– l’inclusion et la fraternité.
TITRE II :
LES ORGANES DE LA TRANSITION
Chapitre 1 :
Du Président de la Transition
Article 2 : Le Président de la Transition occupe les fonctions de Président de la République et de Chef de l’Etat. Il veille au respect de la Charte de la transition. Ses pouvoirs et prérogatives sont ceux définis par la présente Charte. Son mandat prend fin au terme de la transition, après l’investiture du Président élu suite à la prochaine élection présidentielle.
Article 3 : De facto et de jure, le Président du Comité National de Redressement et de Développement est le Président de la Transition.
Article 4 : Le Président de la Transition n’est pas éligible à la prochaine élection présidentielle.
Article 5 : En cas d’empêchement provisoire, les prérogatives et pouvoirs du Président sont exercés par le Premier ministre.
Article 6 : Le Premier ministre est préférablement une personnalité consensuelle, à la compétence avérée et à équidistance entre les partis politiques.
Article 7 : Le Premier ministre est le chef de gouvernement. Les ministres nommés doivent être représentatifs de la société plurale composée de différentes communautés de la République de Guinée. Chapitre II : Du Conseil National de Transition
Article 8 : Le Conseil National de Transition (CNT) est l’organe législatif de la transition. Il est composé ainsi qu’il suit :
– Cinquante (50) représentants des partis politiques ;
– Quinze (15) représentants des organisations de la société civile ;
– Trente-cinq (35) représentants des forces de défense et de sécurité.
– Dix (10) représentants des Guinéens de l’Étranger ; Sa composition prend également en compte le quota des femmes et des jeunes. Le Conseil National de la Transition exerce les prérogatives définies par la présente Charte.
Article 9 : Les membres du CNT ne doivent pas être des personnes ayant ouvertement soutenu le référendum du 22 mars 2020. Ils ne doivent pas avoir fait partie des derniers gouvernements du Président partant.
Le Président du CNT est une personnalité civile élue par ses pairs. Il n’est pas éligible aux élections présidentielle et législatives qui seront organisées pour clôturer la période de transition.
Chapitre III :
Du Gouvernement de Transition
Article 10 : Le gouvernement de transition est dirigé par un Premier ministre nommé par le Président de la Transition. Le gouvernement de transition est constitué de trente (30) départements ministériels et d’un Haut-Commissariat. Sa composition prend en compte les femmes, les jeunes, les partis politiques, les organisations de la société civile et les Guinéens de l’Étranger.
Article 11 : Les membres du gouvernement doivent remplir les conditions suivantes :
– être de nationalité guinéenne
– avoir des compétences techniques et professionnelles requises
– être au-dessus de tout soupçon. Les membres du gouvernement de la transition ne doivent pas être des personnes ayant ouvertement soutenu le troisième mandat du Président partant. Ils ne doivent pas avoir fait partie du gouvernement dissout.
Article 12 : Les membres du gouvernement de la transition ne sont pas éligibles aux élections présidentielle et législatives qui seront prochainement organisées à l’effet de clôturer la période transitoire.
Article 13 : Il est institué un Haut-Commissariat chargé de la Concorde nationale et des réformes institutionnelles et politiques.
Dirigé par un Haut-Commissaire, membre du gouvernement, il comprend les commissions suivantes :
– Commission justice et concorde nationale ;
– Commission des réformes constitutionnelles et politiques ;
– Commission des réformes électorales et territoriales ;
– Commission audit et contrôle des comptes publics ;
– Commission de régulation des médias et de l’information. Une loi organique fixe les attributions, la composition, l’organisation et le fonctionnement du Haut-Commissariat chargé de la Concorde nationale et des réformes institutionnelles et politiques.
TITRE III :
LA REVISION DE LA CHARTE DE LA TRANSITION
Article 14:
L’initiative de la révision de la présente Charte appartient concurremment au Président de la Transition et au tiers des membres du Conseil National de Transition. Le projet-proposition de révision est adopté à la majorité des 4/5ème des membres du Conseil National de Transition. Le Président de la Transition procède à la promulgation de l’acte de révision.
TITRE IV :
LES DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES
Article 15 : La durée de la transition ne peut excéder vingt-quatre (24) mois.
Article 16 : Les instances de la période transitoire fonctionnent jusqu’à l’installation effective de nouvelles institutions.
Article 17 : Dès sa signature par les parties prenantes, la présente Charte entre en vigueur. Sa promulgation intervient immédiatement.
Article 18 : En cas conflit d’interprétation des lois, la Cour constitutionnelle statue de plein droit.