Rapport-riposte de l’Etat contre la Covid-19: L’enquête parle d’une affaire politique et de gestion politisée

Rapport-riposte de l’Etat contre la Covid-19: L’enquête parle d’une affaire politique et de gestion politisée

C’est une «affaire politique» et la gestion des fonds Covid-19 est «politisée». C’est ce que démontre une enquête du think tank Legs-Africa, réalisée dans les districts de Dakar-Centre, Guédiawaye et Touba. Intitulé «Redevabilité active de la gouvernance sanitaire, économique et sociale du Covid-19 au Sénégal : Aspects socio-anthropologiques», le rapport a été publié hier.
«Corona : maladie ou politique ?» Pour répondre à cette question qui a alimentée les débats au sein de la communauté depuis l’apparition de la maladie à coronavirus en Chine, dans des conditions jusqu’ici non encore élucidées, le think tank Legs-Africa a mené une enquête.

Les données montrent que plus de la moitié des jeunes interrogés dans les districts de Dakar Centre, Guédiawaye et Touba pense que la Corona est surtout une affaire politique, contrairement aux adultes et aux personnes âgées, dont plus de la moitié affirme le contraire. Il y a une association significative entre l’âge et la croyance selon laquelle la maladie est une affaire politique.

Dans le district de Touba, seulement 10 % chez les jeunes, 27% chez les adultes et 8,6% chez les personnes âgées affirment que l’épidémie n’est pas une affaire politique. Au niveau du district de Guédiawaye, les données montrent que beaucoup de gens (53,1%), dont 15,5% des jeunes, 39,9% chez les adultes et 3,7% chez les personnes âgées, pensent que corona n’existe pas. Les résultats de cette étude qui a pour objectif d’analyser les perceptions, représentations et attitudes par rapport à la gouvernance sociale de la pandémie à Covid-19, ont été publiés, hier. C’est sur un échantillon de 1200 membres des communautés.

Relativement à l’appui de l’Etat aux familles impactées par la pandémie, les personnes ayant témoigné avoir bénéficié d’un soutien dans le cadre de la riposte, sont majoritaires dans les districts de Guédiawaye et Dakar-Centre, soit respectivement 69% et 52%. Un taux plus faible a été enregistré dans le district de Touba, soit 42%, donc moins de la moitié des personnes enquêtées, révèle le rapport. L’Etat avait mis en place un fonds d’une valeur de 1000 milliards de franc Cfa dans le cadre du Programme de résilience économique et sociale (Pres), avec les partenaires techniques et financiers.

Mais l’enquête montre que les cibles se plaignent de la mauvaise coordination dans la distribution des aides de l’Etat. «Ce sentiment général est illustré par cet extrait de l’entretien suivant: « Oui il y avait des aides mais je l’ai seulement entendu (…) je n’ai pas vu d’aides et les gens du quartier peuvent le confirmer. Peut-être aussi qu’il y a des gens qui en ont bénéficié ; d’autres non, mais je pense bien que le nombre de personnes qui n’a pas reçu est beaucoup plus élevé. Pour ce qui est de notre quartier, s’il y a des gens qui en ont bénéficié, ils sont peu donc, ou même je ne suis pas au courant de leur acquisition »», rapportent le coordonnateur et président de Legs Africa, Elimane Haby Kane, sociologue et ses collègues. Les enquêtés parlent d’une «gestion politisée» des fonds Covid-19, car les populations ont relevé des problèmes de transparence et des inégalités dans la gestion de ces fonds.

Par ailleurs, les opinions des communautés sur la prise en charge des cas graves révèlent une satisfaction, indiquent les enquêteurs. «En effet, presque la moitié des personnes, soit 48.9%, dont 28.7% d’hommes contre 20.2% de femmes, pense que la prise en charge a été efficace. L’appréciation de l’efficacité du plateau technique mis en place pour la prise en charge, diffère selon les districts. On observe une proportion relativement faible concernant l’efficacité de la prise en charge dans les hôpitaux et Cte à Touba (7%), par rapport aux districts de Guédiawaye (27%) et Dakar-Centre (22%).

Malgré la reconnaissance des efforts consentis par l’Etat pour améliorer les soins de prise en charge à l’échelle nationale, certains pensent que le plateau technique devrait davantage être amélioré et notent un déséquilibre de couverture entre Dakar et l’intérieur du pays, notamment à Touba», poursuivent-ils. Et d’ajouter : «Les résultats mettent en évidence que le soutien aux personnes vivant avec une comorbidité (diabète, hypertension artérielle, etc.), a été diversement apprécié. 44% de cette couche vulnérable ignorent jusqu’à l’existence d’un cadre d’appui leur étant destiné ; tandis que d’autres, soit 25%, estiment en avoir moyennement bénéficié. En revanche, 20% des personnes vivant avec une comorbidité, affirment n’avoir aucunement bénéficié de l’appui de l’Etat dans le cadre de la pandémie.»

Ainsi le think tank Legs-Africa recommande, entre autres, une co-construction des stratégies et plans d’actions pour la reddition des comptes auprès des communautés, de manière inclusive et indépendante des considérations politiques. Le think tank Legs-Africa a initié une activité de redevabilité active de la riposte de l’Etat du Sénégal, dont l’une des composantes consistait à réaliser une étude de la perception des citoyens bénéficiaires de cette riposte. Un travail facilité grâce à la collaboration de chercheurs, dont un socio-anthropologue et une équipe technique du Laboratoire Sahara de l’Institut des Sciences de l’Environnement de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar.

Le Quotidien