Régime, durée des repas, sport, chirurgie : Les prescriptions du Pr Abdoulaye Leye contre l’obésité

Régime, durée des repas, sport, chirurgie : Les prescriptions du Pr Abdoulaye Leye contre l’obésité

Tout un business autour de la perte de poids se développe au Sénégal. Ce qui montre que l’obésité est devenue un véritable problème de santé au Sénégal. Le Professeur Abdoulaye Leye, Enseignant-Chercheur à la Faculté de Médecine de Dakar, Chef de Service ENDOCRINOLOGIE-DIABÉTOLOGIE-NUTRITION de l’Hôpital de Pikine (Ex Camp de Thiaroye), fait le tour de cette question et dévoile ses conseils sur les moyens de prévenir et de vaincre l’obésité

Quand parle-t-on d’obésité, comment se manifeste la pathologie ?

L’obésité est un excès de tissu adipeux (graisse) entraînant une surcharge pondérale et des inconvénients pour la santé Elle se manifeste par une prise de poids excessive modifiant la forme de l’individu et l’obligeant le plus souvent à changer de taille et de type d’habit

Toute prise de poids est-elle considérée comme une obésité ?

L’obésité correspond à un indice de masse corporelle (IMC= P/T² : Rapport du poids sur la taille au carré) supérieur à 30 par excès de masse grasse. On définit la gravité de l’obésité par l’IMC= Indice de masse corporelle.

Quels sont les risques induits par l’obésité ?

C’est l’obésité androïde (surtout abdominale) qui expose aux complications métaboliques et cardio-vasculaires. En effet un obèse sur six devient diabétique, 😯 % des diabétiques adultes sont ou ont été obèses (surtout de type androïde), curabilité par le régime hypocalorique. L’obésité entraîne aussi des troubles cardio-vasculaires. L’obésité est un facteur de risque indépendant avec un risque accru de coronaropathie (IMC>29), associée avec l’hypertension artérielle le risque est multiplié par trois. Il y a aussi l’augmentation du risque d’accident vasculaire cérébral. S’y ajoutent les troubles respiratoires. Entre autres, la dyspnée d’effort, puis de repos, cyanose syndrome de PICKWICK associant en plus des accès de somnolence, syndrome d’apnée du sommeil (SAS), trouble vésicatoire du type restrictif pur et modéré à l’EFR, cœur pulmonaire chronique avec insuffisance, ventriculaire droite, hypertension artérielle pulmonaire, complications thromboemboliques (embolie pulmonaire) et broncho-pneumopathies chroniques. Les risques concernent toujours les Dyslipidémies. Les hyperlipidémies sont plus fréquentes (x5), le plus souvent hypertriglycéridémies, en cas d’obésité abdominale, chute du cholestérol HDL et présence de petites LDL denses athérogènes, diminution de la fibrinolyse. Ces derniers éléments caractérisent le syndrome métabolique chez l’obèse. Autres complications, elles sont d’ordres mécaniques (troubles de la circulation veineuse, arthroses), métaboliques (goutte, lithiase rénale), endocrinienne (troubles des règles, infertilité cutanées intertrigo, acanthosis nigricans) chirurgicales (risque opératoire accru, infection pariétale et lâchage des sutures), carcinologiques (risque accru de cancer de l’endomètre ou de la prostate).

“Les parents obèses ont toutes les chances d’avoir des enfants obèses”

Donc l’obésité peut engendrer d’autres risques sanitaires, comme l’hypertension artérielle?

Absolument.

Expliquez-nous un peu…

On les retrouve de plus en plus dans la population, dans un contexte de syndrome métabolique qui n’est pas une maladie spécifique, mais désigne une série de problèmes liés à un mauvais métabolisme corporel. Il y a le Syndrome Métabolique lorsque trois (3) des cinq (5) facteurs de risque sont présents. Il s’agit de l’obésité abdominale, l’hypertension artérielle, le taux élevé de triglycérides, la glycémie élevée et un faible taux de HDL.

Est-il possible de prévenir ce phénomène?

L’obésité provient d’un déséquilibre entre la balance des apports et les dépenses énergétiques. Les apports sont alors en excédent par rapport aux dépenses. La conséquence est un stockage des excédents, une mise en réserve énergétique dans les adipocytes sous forme de triglycérides lors de la lipogenèse. Une surconsommation alimentaire, le manque d’exercice, la sédentarité sont des facteurs favorisant, il existe aussi de nombreux facteurs favorisant ou altérant les mécanismes de mise en réserve, leur régulation.

Donc pour prévenir l’obésité il faut éviter les facteurs favorisants. L’alimentation, en effet, la consommation de lipides contribue à l’augmentation des apports caloriques du fait de la densité calorique et du moindre pouvoir satiétogène. Les effets peuvent être particulièrement marqués chez les individus ayant une plus faible capacité à oxyder les lipides et à les stocker. Il faut aussi éviter la déstructuration des rythmes alimentaires (repas sautés, grignotage, TV). En outre, la prise d’alcool et la sédentarité sont aussi des causes d’obésité. Il faut noter que des parents obèses ont toutes les chances d’avoir des enfants obèses (Génétique et hérédité). Le comportement alimentaire et les facteurs psychologiques, gros mangeurs (hyperphagies), boulimie, grignotage, dysmorphobie, des facteurs métaboliques : existence d’une homéostasie lipidique perturbée (leptine, adinopectine, l’âge : provoque une obésité hyperplasique ou hypertrophique, les troubles endocriniens : dérégulation de la cortisone, de l’insuline, du glucagon, de l’adrénaline, des hormones de croissance, thyroïdiennes, sexuelles. Ainsi que les déterminants sociaux et culturels (envie des femmes d’être obèse pour paraitre belle ou épanouie, préférences de certains hommes…) sont en prendre en compte.

“La durée d’un repas doit être au moins de 20 minutes ainsi l’estomac peut envoyer un message de satiété au système nerveux qui est le centre de l’appétit”

Cela veut-il dire qu’il faut surveiller notre alimentation ?

C’est un volet essentiel du traitement. La Diète hypocalorique peu restrictive et personnalisée : à adapter selon la ration antérieure avec réduction des apports de 300-600kcal, déterminé par rapport à l’enquête alimentaire et au mode de vie, réduction des matières grasses, maintien des sucres lents pour éviter les fringales, équilibré, normalement salé, réparti en 3 à 5 prises alimentaires. Les Boissons hydriques exclusivement, au moins un litre par jour, l’exercice physique modéré mais régulier (30mn de marche rapide/ jour) favorisant la perte de poids en préservant la masse maigre, avec un effet préférentiel sur la graisse abdominale sont essentiels

On pointe souvent du doigt le sucre, le sel, les aliments gras. Ont-ils un rapport avec l’obésité ?

Oui naturellement. Ils intègrent la nécessité d’une alimentation équilibrée pour prévenir et lutter contre l’obésité. A long terme, les personnes doivent s’orienter vers un régime alimentaire équilibré et diversifié associé à une discipline alimentaire : réduire la taille des portions alimentaires, ne pas grignoter entre les repas, manger lentement pour favoriser le phénomène de satiété. La durée d’un repas doit être au moins de 20 minutes ainsi l’estomac peut envoyer un message de satiété au système nerveux qui est le centre de l’appétit. De plus, il est important de varier ses repas car au fur et à mesure qu’un aliment est consommé, le plaisir lié à sa consommation est diminué. Il faut aussi structurer l’alimentation et ne pas sauter de repas. Privilégier les aliments de faible densité énergétique (fruits, légumes, légumineuses, volailles, poissons, etc.) et limiter les aliments ayant une forte densité énergétique pauvres en micronutriments (confiseries, viennoiseries, pâtisseries, charcuteries, etc.). Privilégier une alimentation et une restriction calorique personnalisée Des méthodes de cuisson adaptées : favoriser les cuissons sans matières grasses (à la vapeur, à l’eau, en papillote, etc).

Il existe tout un marketing autour de l’amaigrissement…. Est-ce qu’il y a des conséquences sanitaires?

Les régimes et les diètes se suivent avec toujours le même résultat, l’échec. Et « l’industrie » de la perte de poids se nourrit de ces échecs. Cette industrie est une machine à faire de l’argent sur le dos des victimes de la culture des diètes. Pour lutter contre l’obésité, le maître mot est l’accompagnement. La première chose à faire est d’aller consulter son médecin traitant, qui contrôlera votre tension artérielle et fera éventuellement un bilan à la recherche de cholestérol ou de diabète. Il n’existe aucun régime miracle. Ce qui fonctionne en revanche, c’est un suivi régulier et l’adoption d’objectifs réalistes. Il faut garder à l’esprit que perdre 5% de votre poids est déjà énorme. Et surtout, y aller progressivement, éviteR l’effet yoyo. Essayez aussi si possible d’éviter les perturbateurs endocriniens qui vont réguler votre flore digestive, votre flore intestinale et aboutir à une prise de poids. Attention aussi aux aliments ultra transformés.

Certains optent même pour l’intervention chirurgicale. Quels sont les avantages et les risques chez le patient ?

La chirurgie bariatrique peut être envisagée en seconde intention pour favoriser la perte de poids d’un patient souffrant d’obésité. Il existe différents types d’opérations qui nécessitent un long processus de réflexion, des examens approfondis et un suivi médical à vie. La chirurgie bariatrique, ou chirurgie de l’obésité, consiste à modifier l’anatomie du système digestif d’un malade pour l’aider à perdre durablement du poids. Elle permet de réduire la quantité d’aliments consommée (principe de restriction) et/ou l’assimilation d’aliments par l’organisme (principe de malabsorption). Ainsi, on améliore la qualité de vie du patient, on l’aide à préserver sa santé sur le long terme et à mieux contrôler l’évolution de potentielles maladies associées.

“22% de la population sénégalaise présente une obésité? abdominale”

Au Sénégal, quels sont les chiffres sur l’obésité?

Dans la dernière enquête STEP du Ministère de la Santé de 2015, la prévalence de l’obésité était globalement de 6,4%. Celle du surpoids était de 15,8 %. Elle est plus marquée chez la femme. A noter aussi que 22% de la population globale présentait une obésité? abdominale en particulier chez la femme (38,2% contre 4,7% chez l’homme).

Un dernier conseil sanitaire….

Les multiples complications impliquent la nécessité de traitement. L’objectif est la perte de poids en tenant compte de la nature de l’obésité et de la motivation du patient. Des mesures diététiques liées à l’exercice physique sont les principes du traitement. Un suivi longitudinal et une éducation diététique sont indispensables à la réussite du régime. Un traitement médicamenteux et un suivi psychologique peuvent être mis en œuvre suivant l’origine de l’obésité. En cas d’échec de ces traitements, et pour les cas graves, la chirurgie bariatrique peut être envisagée.