Russie: la livraison à la Turquie de missiles S-400 a commencé

C’est un sujet qui suscite de très vives tensions depuis des mois entre Ankara et Washington : l’achat par la Turquie du système antimissile russe S-400. Ce vendredi 12 juillet, Ankara a reçu les premiers composants de ce système de défense russe. Le S-400 est considéré par certains experts comme la batterie anti-missile la plus performante actuellement.

De notre correspondant à Moscou, Daniel Vallot
Un camion blindé surmonté de quatre tubes de missiles, voilà à quoi ressemble le S-400. Développé dans les années 1990 par l’industrie de défense russe, le S-400 est l’héritier d’une tradition bien soviétique, celle de la défense antiaérienne. De fait, ces caractéristiques en font une arme redoutable, capable d’égaler – même de surpasser selon certains experts – le patriote américain.
Le S-400 peut ainsi intervenir en moins de dix secondes, repérer une menace se trouvant à plusieurs centaines de kilomètres et intercepter aussi bien des avions que des missiles. Depuis sa mise en service par l’armée russe en 2007, le S-400 a déjà remporté de très gros contrats à l’international. La Russie l’a notamment vendu à la Chine et à l’Inde.
Mais avec la Turquie, Moscou vend son système à un membre de l’Otan, ce qui a suscité la fureur des États-Unis. Washington a d’ailleurs menacé la Turquie de sanctions et de ne pas lui vendre les F-35, qui devaient équiper son armée de l’air. Pour la Russie, le S-400 n’est pas seulement un succès technologique et militaire, c’est également devenu une arme diplomatique de premier choix.
■ Les premières sanctions de Washington pourraient tomber très vite

De notre correspondante à Istanbul, Anne Andlauer
En plus d’une série de sanctions économiques, l’une des principales conséquences de l’arrivée sur le sol turc d’un système russe de défense antimissile et antiaérien ultra-performant, les S-400, risque d’être l’exclusion d’Ankara du programme F-35.
Le F-35 est un avion de chasse américain que la Turquie et d’autres pays contribuent à fabriquer. Ankara a déjà investi plus d’un milliard de dollars dans ce programme, et elle compte acheter une bonne centaine d’appareils pour renouveler son armée de l’air.

Mais Washington a été clair : ce sera soit les S-400, soit les F-35. Les premiers pourraient compromettre la sécurité des seconds, argumentent les États-Unis. Et ils n’ont pas tort, confirme l’expert turc Sinan Ülgen :

« Il y a effectivement une sorte d’incertitude au niveau de Washington dans la mesure où ce système russe peut faire le « hacking » de la plateforme des F-35. La Turquie ne peut pas garantir que les mesures nécessaires seront prises pour totalement éliminer ce risque d’espionnage électronique des systèmes du F-35. Il est donc impossible d’éliminer ce type d’objections de la part de Washington. »

Au-delà de ces questions techniques, qui sont loin d’être secondaires, la crise à venir cache aussi des enjeux très politiques : les États-Unis n’admettent pas qu’un pays de l’Otan, à savoir la Turquie, se fournisse en missiles auprès d’un autre pays, la Russie, qu’ils considèrent comme une menace.
rfi