Les autorités du Sri Lanka ont placé le pays en état d’urgence pour une période de 10 jours. Cela fait suite aux attaques de bouddhistes radicaux contre des musulmans qui ont fait un mort cette semaine dans le centre du pays. Le déploiement des militaires dans les rues a partiellement calmé la situation, mais cette radicalisation est inquiétante et ne devrait pas s’arrêter si rapidement.
De notre correspondant dans la région,
La déclaration de l’état d’urgence au Sri Lanka a permis de déployer l’armée dans les rues, particulièrement dans la ville religieuse de Kandy, au centre de l’île, où ont eu lieu les dernières attaques contre les musulmans dimanche 4 mars, qui ont coûté la vie à deux personnes. Les réseaux sociaux et les messageries comme Facebook et WhatsApp ont été bloqués, car ils servaient aux bouddhistes radicaux à diffuser des messages et vidéos incendiaires, propageant de fausses rumeurs sur les musulmans et appelant à les attaquer.
Emeutes dans la région de Kandy
La police a annoncé qu’elle avait arrêté 81 personnes depuis mardi 6 mars pour leur participation dans les attaques, dont 10 qui sont considérées comme les instigateurs des violences : ils font partie d’un groupe bouddhiste radical le Mahason Balakaya. Le chef de ce mouvement a été identifié dans une vidéo diffusée récemment, dans laquelle on peut l’entendre planifier des offensives avec un moine radical connu.
Des attaques ont eu lieu à nouveau mercredi 7 mars, alors que le couvre-feu était déjà en place depuis plus de 24 h. Selon les victimes, au moins 50 personnes ont attaqué et totalement brûlé un restaurant tenu par un musulman dans une petite ville des alentours de Kandy, au centre du pays. De nombreux assauts similaires ont eu lieu depuis dimanche dernier, et certaines rues de ce bastion bouddhiste et de ses environs offrent un visage désolant : des dizaines de maisons et de commerces ont été ravagés par les flammes, dans le but d’effrayer la population musulmane et de la faire fuir.
Un bouddhisme radical
Le Premier ministre a en effet avoué que les attaques de cette semaine avaient été minutieusement planifiées – ces groupes radicaux cherchent à exploiter chaque rixe entre bouddhistes et musulmans, accusent sans preuve ces derniers des pires ignominies pour justifier leurs assauts. Ce qui est inquiétant, c’est que la même technique mêlant fausses rumeurs et haine raciale a été utilisée par les bouddhistes radicaux birmans pour diaboliser, isoler, massacrer puis finalement faire fuir les Rohingyas musulmans de Birmanie.
Cette radicalisation de certains milieux bouddhistes s’observe depuis quelques années déjà. Au Sri Lanka, les attaques antimusulmanes sont en forte augmentation depuis un an et semblent exploiter le même sentiment nationaliste des Singhalais bouddhistes qui a été utilisé pendant la guerre civile pour réprimer les Tamouls. Le gouvernement actuel condamne fermement ces actes et défend la minorité musulmane, mais il est divisé, et l’ancien président nationaliste Mahinda Rajapakse est en train de faire un retour fracassant sur la scène politique.
rfi