Un vaccin inventé, homologué et mis sur le marché en neuf mois seulement ! Une vitesse turbo qui a amené certains médecins à faire des sorties médiatiques et semer le doute sur l’efficacité des vaccins produits par quelques laboratoires occidentaux. Un doute qui ne se justifierait pas selon d’autres de leurs collègues selon qui les nouvelles technologies utilisées dans les laboratoires de recherche permettent aujourd’hui de raccourcir les délais de création de vaccins.
« Je n’ai jamais vu un vaccin inventé en 9 mois. Déjà, pour tester un vaccin sur des animaux, il faut entre 4 à 5 ans. Même l’antibiotique le plus simple n’a pas été inventé en trois mois. Pourquoi le Sénégal a-t-il été sponsorisé par le laboratoire qui vend le vaccin ? Les plus grands labos du monde, c’est ce qu’on appelle le Big Pharma. Ils sont très puissants » !
Cette sortie médiatique du patron de la Clinique Suma Assistance, Dr Babacar Niang, qui affiche ainsi son pessimisme par rapport à l’efficacité du vaccin contre la pandémie de Covid-19 — un vaccin qui va bientôt être acquis par le Sénégal — a créé un tollé. Car sa position n’est pas partagée par beaucoup de ses collègues médecins. « Dr Niang déraille parfois. Il est trop simpliste dans ses analyses. Il adopte les théories des complotistes. Malheureusement, il n’est pas le seul. Un scientifique ne fait de raisonnement genre, ‘’je n’ai jamais vu’’ ou ‘’ moi et ma famille’’ etc. On donne des références scientifiques. Il fait des références par rapport à des recherches ou expériences au Sénégal un peu tirées par les cheveux. Les recherches et expérimentations se déroulent partout dans le monde, malheureusement l’Afrique Noire ne fait pas plus de 7 % de ces recherches. Il ne peut ignorer les critères de validation d’un vaccin qui passent par plusieurs étapes », tacle un professionnel de la santé sous l’anonymat.
Selon lui, le sponsoring et le marketing touchent tous les produits et services. « C’est le monde des affaires. La recherche appelle des investissements très lourds. Le chercheur se concentre sur son travail de recherche et laisse les commerciaux, les financiers etc., faire le reste. Aussi, on ne demandera pas à chaque patient d’exiger le diplôme du médecin ou ses résultats cliniques avant de se faire consulter ou soigner. Ce travail de contrôle, dit-il, appartient à d’autres organismes comme l’Etat et l’Ordre ».
« Les nouvelles technologies utilisées en laboratoire de recherche ont permis de raccourcir les délais »
Interpellé sur le scepticisme provoqué par la courte durée de création des vaccins anti-Covid, Dr Ndiaye Diop se désole du fait qu’on parle beaucoup de la vaccination liée à cette pandémie comme si on devait vacciner la population générale. Or, en Afrique, de nombreux pays, dit-il, n’auront pas besoin du vaccin que seuls quelques rares pays utiliseront pour protéger les personnes vulnérables ou celles à risque.
Toutefois, notre interlocuteur considère que la non disponibilité du vaccin anti-covid serait inconcevable. « Car nous avons des besoins aussi minimes soient-ils », estime le praticien tout en indiquant qu’aucun produit au monde n’est commercialisé sans autorisation de mise en vente sur le marché. Et que le choix du vaccin est un problème de souveraineté et de relations. Il donne comme exemple les voitures russes, qui ne sont pas en circulation au Sénégal. « Je ne vois pas de voitures russes en circulation dans le pays. Pourquoi ? », s’est interrogé Dr Ndiaye Diop tout en précisant qu’« avant d’obtenir une autorisation de mise sur le marché, un vaccin doit passer par des phases (quatre étapes) dont une utilisation chez des volontaires ».
D’après les explications de ce médecin basé à Touba, les nouvelles technologies utilisées en laboratoire de recherche ont permis de raccourcir les délais. « Nous ne sommes plus dans la recherche classique. Le laboratoire moderne a utilisé l’ARN du virus ».
ARN pour certains, ADN pour d’autres
Mais que signifie l’ARN pour le non scientifique ? Docteur Ismaïla Ndour le définit comme étant « le matériel génétique du virus qui permet sa multiplication une fois intégré dans une cellule ». Pour une compréhension plus facile, ce que certains appellent l’ARN équivaudrait à l’ADN pour d’autres. Les tests qu’on fait pour la Covid, c’est justement pour détecter la présence de l’ARN du virus. « C’est la technique appelée PCR-Rt. Et c’est différent des tests antigéniques qui permettent de détecter soit les anticorps produits par le patient, soit la présence d’une partie de la composition du virus », a détaillé le médecin généraliste Dr Ndour.
A l’en croire, les vaccins à ARN reproduisent l’ARN du virus en question. On l’injecte tout en espérant que l’organisme produise des anticorps qui protégeront l’individu.
Le vaccin oui, mais pas comme en France
Pour cela, dira son collègue Dr Diop, le Sénégal n’utilisera jamais le vaccin Covid-19 comme le ferait la France ou d’autres pays européens. « Nous ne sommes pas dans le même contexte épidémiologique. Néanmoins, nous aurons à protéger les personnes vulnérables comme dans tout pays qui se respecte », a-t-il tenu à rassurer. Notre médecin souligne un point essentiel dans la mise en vente d’un quelconque produit — en particulier les vaccins — dans les officines. En dehors de l’Etat qui en possède, les vaccins sont dans les officines et accessibles à ceux qui le désirent.
Le vaccin anti- Covid n’échappera pas à cette logique. Il appartient donc à l’Etat de le rendre disponible et accessible aux bénéficiaires » estime-t-il en conclusion.