Déjà forte d’une percée en Andalousie, la formation VOX pourrait s’adjuger plus de 10 % des sièges mis en jeu à l’occasion des législatives du 28 avril. Une première pour un mouvement classé à l’extrême droite de l’échiquier politique, depuis la fin du franquisme.
Près d’un demi-siècle d’une intolérance enracinée à l’extrême droite, marquée par une absence totale de représentation dans les chambres régionales et nationale espagnoles. Un héritage de la traumatisante ère franquiste, longue de près de quarante ans. Puis, soudainement, une rechute. En décembre dernier, près de 400 000 électeurs ont permis l’entrée de douze députés se réclamant de VOX au Parlement andalou, pourtant bastion socialiste.
« Un tremblement de terre », aux yeux de plusieurs médias ibériques, qui pourrait être suivi de nouvelles secousses à l’occasion des élections législatives anticipées du 28 avril, les troisièmes en quatre ans. Si une récente enquête de l’Institut gouvernemental de sondages donne les socialistes du PSOE en tête (30,2 %), VOX raflerait 11,9 % des suffrages, soit 29 à 37 sièges. La fin annoncée de l’exception espagnole, alors que les mouvements d’extrême droite ont pignon sur rue dans différents pays européens depuis plusieurs années déjà.
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Comment expliquer ce basculement tardif ?
« Les Espagnols ont gardé un souvenir traumatisant de la période Franco, mort en 1975. Jusqu’ici, ils se protégeaient des partis d’extrême droite, raconte Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’IFRI (Institut français des relations internationales) sur les questions ibériques. Mais ce sursis est terminé : on assiste à une relève générationnelle. Les électeurs d’aujourd’hui n’ont pas la même culture historique que leurs parents. En revanche, ils ont beaucoup souffert de la crise économique de 2008 ». Un terreau favorable à la diffusion d’idées populistes.
Autre élément à prendre en compte, selon l’expert : la politique d’oubli volontaire engagée après la mort de Franco. « Les auteurs de la répression ont été amnistiés. Tout a été fait pour faciliter la transition démocratique. Conséquence : la période franquiste est mal connue des Espagnols et cela s’entend à travers certains discours. Cette normalisation du passé, de la part du Parti populaire (PP, droite) notamment, a légitimé l’émergence de VOX ». De manière à rallier davantage de votants à sa cause, le PP a « droitisé » son discours, « intégrant une gamme idéologique proche de l’extrême droite ». Au point que les deux partis composent aux côtés de Ciudadanos (centre-droit) la majorité au Parlement andalou.
Quels sont les thèmes majeurs du parti ?
VOX a fait campagne sur un thème majeur : celui de l’unité nationale. Ses leaders ont la volonté de recentraliser et de supprimer les parlements régionaux. Ils jouent sur la fibre patriotique, misant sur des symboles tels que le drapeau ou l’hymne national. « Avec ce nationalisme combatif, ils se placent en contrepoint des indépendantistes », poursuit Jean-Jacques Kourliandsky. Et usent de déclarations tapageuses et de provocations. VOX a ainsi incorporé à sa liste un matador, symbole de Madrid et du pouvoir central, ainsi qu’un négationniste. Face au tollé que cela a suscité, ce dernier a fini par se retirer. Signe de leur proximité, VOX, Ciudadanos et le PP ont conjointement organisé une grande manifestation anti-indépendantiste dans les rues de Madrid en février dernier.
Plus largement, VOX englobe les idées que l’on retrouve dans la plupart des « logiciels d’extrême droite » : lutte contre l’immigration, homophobie et dénonciation d’une forme d’insécurité. Le parti s’est également distingué par son anti-féminisme et sa volonté de modifier une loi sur les violences faites aux femmes. De quoi s’attirer les foudres des mouvements féministes et des partis de gauche.
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Qui en sont les leaders ?
Santiago Abascal, 42 ans et adepte des discours offensifs à l’égard des nationalistes, est président du parti. Il est secondé par Javier Ortega, avocat et ex-militaire, qui occupe pour sa part le rôle de secrétaire général du parti. À Madrid, la bataille est menée par Rocio Monasterio, figure féminine du parti. « Ce sont des personnalités politiques aussi neuves que leur partie. On les connaît encore assez peu », estime Jean-Jacques Kourliandsky.
« Les membres influents de VOX sont pour la plupart issus du PP », ajoute le chercheur. 2013, l’année de fondation du parti, correspond au moment où a mûri la crise catalane. Petit à petit, VOX a accueilli les déçus des partis traditionnels, dont ils dénoncent la mollesse. « Les législatives sont leur priorité. On ignore encore s’ils entendent présenter une liste aux européennes ».
Quasi-inexistant depuis sa fondation, VOX clame être majoritairement composé de bénévoles et non de professionnels de la politique. Une manière de se présenter comme le parti du peuple.
Rfi