Le mouvement des gilets jaunes a fait irruption dans le quinquennat d’Emmanuel Macron et en a perturbé le cour. Quelles conséquences cette crise va-t-elle avoir pour le chef de l’Etat ? Face à la colère populaire, il a dû faire des concessions et adopter un profil bas, inhabituel chez lui. Emmanuel Macron a dû plier.
Emmanuel Macron, à qui tout réussit, Emmanuel Macron qui franchit tous les obstacles, l’élection présidentielle, les réformes, sans coup férir : c’est fini. C’est ce qu’explique, Bruno Cautrès, chercheur au centre de recherche politique de Science Po : « C’est surtout son image d’une success story qui en a pris un sacré coup. » La « success story » s’est fracassée sur les manifestations et les violences. « Nous avons vu pendant plusieurs semaines en France des images qui vont quand même infuser, qui vont progressivement prendre date dans la mémoire politique française. C’est une très grave crise que nous avons vécu, et il va donc être un peu plus difficile pour Emmanuel Macron d’expliquer que sa présidence, c’est la présidence de la réforme tranquille, de la réforme qui est faite en concertation avec les Français. »
Continuer à réformer ?
Dans ces conditions, Emmanuel Macron peut-il continuer à réformer ? Lorsqu’il est intervenu à la télévision, il a bien dit qu’il voulait poursuivre les réformes. Mais pour y parvenir il va devoir changer de méthode et selon Benjamnin Morel, docteur en science politique à l’ENS Paris Saclay, ce n’est pas si simple : « Maintenant si Emmanuel Macron veut continuer à réformer, il va devoir s’entendre avec un certain nombre de corps intermédiaires, notamment les syndicats. Le problème est que ces syndicats, qui ont été marginalisés dans la première partie du quinquennat, n’ont pas réellement aujourd’hui intérêt à faire des cadeaux à Emmanuel Macron. Un Emmanuel Macron qui est en situation de faiblesse et qui très clairement dans le cadre de son quinquennat, ne peut pas se permettre un deuxième mouvement des gilets jaunes. »
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Emmanuel Macron doit associer les corps intermédiaires mais aussi les citoyens. C’est une des revendications des gilets jaunes à laquelle Emmanuel Macron a essayé de répondre en proposant un grand débat national. Une recette un peu « ancien monde » pour le communicant, président de MCBG conseil, Philippe Moreau Chevrolet qui déclare : « Sous Mitterrand également, on avait écrit des cahiers de doléances. Ce n’est pas quelque chose de foncièrement nouveau. En général, ça n’aboutit à rien de concret, il faut bien le dire. Mais ça permet de donner l’impression que c’est l’Etat qui organise le dialogue et que le dialogue ne se fait pas contre l’Etat. Ce qui était la dominante jusqu’à présent. »
Une vieille recette donc mais de laquelle Benjamin Morel estime qu’il peut tout de même sortir du positif pour le chef de l’Etat : « Le vrai travail pour que ce débat serve à quelque chose, ça va être justement d’aller interroger les gens avec qui ils n’ont pas l’habitude de parler, les gens que l’on n’entend pas d’habitude. A ce moment-là, il peut y avoir des choses intéressantes qui peuvent remonter et pour Emmanuel Macron ça peut permettre de relégitimer une politique à condition évidemment que la politique qu’il mène soit amendée. »
Changer avant les européennes
Emmanuel Macron doit donc être prêt à vraiment jouer le jeu et, selon Philippe Moreau Chevrolet, il doit en tirer les conséquences dans sa pratique politique : « Le plus important ce n’est pas d’être élu, le plus important c’est d’avoir la légitimité pour se maintenir au pouvoir et continuer à agir. Et ça, ça demande la participation de tous. Et finalement, le signal des gilets jaunes de ce point de vue-là a été tragique mais il est important à prendre en compte. »
Emmanuel Macron doit donc changer et changer vite car il y a des échéances électorales qui arrivent. Les élections européennes à la fin du mois de mai 2019 pourraient bien représenter le match retour de la présidentielle pour Marine Le Pen, dont le parti est celui qui semble le plus en position de profiter de l’effet gilets jaunes, comme l’explique Benjamin Morel : « On avait un électorat qui est plutôt un électorat de Marine Le Pen qui était en grande partie démobilisé après les présidentielles, la séquence des gilets jaunes a permis de remobiliser cet électorat. Et donc pour ça, cette séquence-là est plutôt favorable à Marine Le Pen et elle est très clairement défavorable à Emmanuel Macron. »
Plus que jamais après les gilets jaunes, l’un des enjeux pour Emmanuel Macron va être d’éviter le vote sanction aux européennes.
Rfi