Elément à la fois indispensable à l’Homme et à l’industrie, la gestion de l’eau est souvent perçue comme secondaire en Afrique au regard des impératifs de développement. 22 mars journée mondiale de l’eau, une opportunité pour repenser la réflexion sur les problématiques d’accès à l’eau sur le continent Africain
Le continent africain dispose de grands fleuves, d’une centaine de lacs une centaine de grands lacs auxquels s’ajoutent plus de 600 000 kilomètres cubes de réserves d’eau. Et pourtant, après l’Océanie, l’Afrique est le second continent le plus sec au monde. Comptant 16 % de la population mondiale, il ne possède que 9 % des ressources renouvelables en eau. L’eau y est inégalement répartie, les six pays les plus riches en eau, situés en Afrique Centrale et de l’Ouest, détenant 54 % des ressources intérieures totales du continent et les vingt pays les plus pauvres en détenant seulement 7 %. Certains pays consomment déjà la totalité de leurs ressources en eau renouvelable, alors que d’autres en utilisent moins d’un pour cent.
Un tiers de la population africaine, soit 330 millions, n’a pas accès à l’eau potable et presque la moitié des Africains souffre de problèmes de santé dus au manque d’eau potable. L’Afrique est en effet le continent où l’accès à une eau de qualité est le plus limité au monde, à peine 60% de l’Afrique sub-saharienne est alimentée en eau potable. En rapport Due à la diminution progressive de ces ressources et de l’augmentation de la consommation, la proportion de la population africaine risquant d’être soumise à une carence en eau augmentera de 38 % en 2013 à 74 % en 2040, affectant 28 pays.
Parmi les multiples problèmes liés à l’accès à l’eau potable et à sa gestion, figure celui du manque de fonds alloués pour initier des projets délicats et coûteux, et d’équipements permettant de distribuer et de traiter le précieux liquide. Cette situation de pénurie devient d’autant plus difficile et compliquée que les populations urbaines augmentent rapidement. L’eau devient donc l’objet de nombreuses convoitises et tensions entre les États mais aussi entre milieux urbains et ruraux. La situation pourrait s’aggraver compte tenu de la dégradation des écosystèmes due à l’intensification des activités agricoles, la pression foncière croissante et le développement des activités industrielles (ces dernières se révèlent gourmandes en eau et participent souvent à une pollution massive des écosystèmes). Cependant le principal défi est démographique : La population africaine devrait ainsi augmenter de moitié entre 2010 et 2040, avec un pourcentage de citadins qui passerait de 44 % à 57 %.
Le développement économique que connait le continent africain depuis 10 ans nécessite des mesures urgentes des acteurs du secteur de l’eau à trouver des solutions. Le niveau de développement des infrastructures en eau est en effet un facteur économique important et représente un enjeu crucial pour le développement humain, la santé publique, la sécurité alimentaire et la production industrielle.
Dans la plupart des pays africains, la politique de l’eau s’apparente à une coproduction de solutions à la fois par les autorités publiques mais également par les acteurs privés et les organisations communautaires. L’amélioration de l’accès à l’eau, tout en préservant l’environnement, nécessitera de prendre en compte l’intérêt des différents acteurs. Or ces acteurs ont des stratégies différentes, souvent antagonistes. Il s’agira notamment de concilier l’objectif de préservation des ressources en eau avec celui de soutien aux activités économiques.
Par ailleurs, l’amélioration de l’accès à l’eau potable nécessite de développer une approche totalement intégrée. Comment par exemple améliorer la qualité de l’eau sans la mise en place d’un traitement des rejets industriels qui contaminent les rivières et à terme les nappes phréatiques ? La disponibilité de l’eau, sa qualité et son accès sont étroitement liés à d’autres politiques publiques tels que l’assainissement, la gestion des déchets et le développement industriel et agricole.
L’exploitation et la maîtrise de l’eau, tant en milieu rural qu’urbain, sont devenues des questions stratégiques au regard de l’accroissement démographique, de la diversification des activités économiques et de la dégradation actuelle de l’environnement. La ressource hydrique fait l’objet de nombreuses convoitises, qui en l’absence de traitement adéquat sont autant de vecteurs de tensions, entre États mais également au sein des villes et des campagnes.
L’enjeu réside dans la capacité à mettre en place des mécanismes qui parviennent à concilier un objectif d’égal accès de tous, en tenant compte des différences de potentialités financières des individus. L’arrivée des firmes privées à travers des partenariats public-privé, si elle s’est parfois faite dans la douleur, a permis d’améliorer la gestion et les services de l’eau sur le continent. La capacité à faire des bénéfices tout en minimisant les risques est le principal moteur d’attraction du secteur privé. Ces PPP sont principalement des contrats de gestion. L’apport financier initial du secteur public reste vital. L’idéal d’un rattrapage infrastructurel, fondé sur un investissement massif du privé dans les infrastructures puis son remboursement par un recouvrement total des coûts et rémunérations, serait intenable pour les populations.
Le Sénégal l’expérimente avec ‘sa révolution’ de l’hydraulique rurale et la réforme de l’hydraulique urbaine. La priorité est mise sur un modèle de gestion déléguée à travers des opérateurs privés avec appel d’offre et contractualisation et une implication des représentants des usagers dans un organe de régulation pour défendre les intérêts usagers.
Lansana Gagny SAKHO
Directeur Général de l’Office National de l’Assainissement du Sénégal