Le sommet s’annonçait historique et le fut pour les pays membres de l’Otan réunis à Madrid. De nombreux sujets ont déjà été abordés : les adhésions de la Suède et de la Finlande sont désormais actées et l’Otan a adopté aussi son nouveau document stratégique pour les années à venir. Ce 30 juin a lieu à Madrid la dernière session de travail de l’Alliance.
Avec notre envoyé spécial à Madrid, Romain Lemaresquier
Ce jeudi matin, les 30 pays membres se réunissent à nouveau pour une nouvelle session de travail. Il sera notamment question du communiqué final, les chefs d’État doivent également s’exprimer devant la presse avant de quitter Madrid dans l’après-midi et mettre un terme à ce sommet qui restera à coup sûr dans l’Histoire.
Un véritable tournant
Le moins que l’on puisse dire, c’est que ce sommet tient toutes ses promesses. Finies les divergences entre la Turquie et les deux pays qui souhaitent intégrer l’Otan, la Suède et la Finlande, un accord entre les trois pays a été conclu et désormais le président turc a levé son veto à leur intégration.
La guerre en Ukraine, véritable fil rouge durant ce sommet, a également été longuement abordée et l’Otan s’engage à fournir plus d’aide militaire et financière à Kiev. Puis, les 30 pays membres ont adopté le fameux document stratégique qui définit les ambitions politiques et stratégiques de l’Alliance pour les années à venir, un document dans lequel la Russie apparaît comme la plus grande menace pour les pays membres et où la Chine est également citée pour la première fois. Un véritable tournant dans l’évolution de l’Otan.
[Parmi les conséquences immédiates] déjà renforcer les flancs est, ceux qui sont plus proches bien sûr de la Russie, du nord au sud, ce qui est un vaste chantier, et puis mettre sur pied une force de réaction à très grande réactivité. Là, l’Otan s’est fixée un objectif très ambitieux de 300 000 hommes alors qu’aujourd’hui c’est plutôt entre 30 000 et 40 000 hommes, et puis avec des capacités militaires, c’est-à-dire les équipements adaptés les plus modernes, en tout cas ceux qui apportent le plus de précisions, le plus de rayon d’action. On les voit en œuvre pour certains d’entre eux en Ukraine, l’artillerie en rayon d’action mais aussi bien sûr l’aviation, la partie maritime mais également dans le domaine cyberdéfense qui est extrêmement important, voire dans l’espace. Donc ça dresse une feuille de route pour l’Otan qui est ambitieuse. Même les 2% que nous avions fixés en 2014 lors du sommet du Pays de Galles semble être difficiles, il faut faire 2% de plus du PIB, ce qui va être difficile évidemment pour les pays en raison de la crise actuelle. Donc il va avoir des choix assez délicats à faire pour tous les pays, en particulier pour les pays européens.
Dans sa nouvelle feuille de route stratégique rédigée à Madrid, l’Otan cite pour la première fois la Chine, s’inquiétant du « défi » qu’elle représente pour ses « valeurs », ses « intérêts » et sa « sécurité ». Pékin a peu apprécié, parlant d’une « mentalité de guerre froide » promue par l’Otan. Concrètement, est-ce que cette mention change quelque chose pour l’Alliance atlantique ? Rien sur le terrain en tous cas. Pour le général Jean-Paul Palomeros, ancien commandant suprême de l’Otan pour la transformation, c’est surtout une invitation à réfléchir sur l’influence chinoise.
« L’Otan en elle-même va continuer à se concentrer sur son théâtre d’opérations, ça a des conséquences pour les pays de l’Otan qui sont amenés à se poser des questions sur l’impact de l’influence chinoise pour leur autonomie, pour leur souveraineté, et donc la mesure dans laquelle ça peut déstabiliser en quelque sorte les pays de l’Otan, et on sait qu’une déstabilisation sous une forme ou l’autre d’un pays de l’Otan risque de fragiliser l’Alliance. Regardez aujourd’hui, les dépendances énergétiques ont un impact très clair sur la sécurité globale. Donc dans une vision globale de la défense et de la sécurité il est important qu’on en parle. D’autant plus que de nombreux chefs d’États et de gouvernements qui n’appartiennent pas à l’Otan mais qui sont partenaires comme le Japon ou l’Australie sont présents également, donc c’est l’occasion de faire un vaste tour de table des défis de sécurité au niveau mondial et de faire comprendre à la Chine aussi qu’elle a intérêt à coopérer plutôt qu’à avancer seule au risque de déstabiliser les équilibres qui sont déjà fragiles. C’est peut-être aussi une manière de dire à la Chine : ‘‘Attention à ce que vous faites avec la Russie’’ ».
Une satisfaction pour Emmanuel Macron
Dans l’entourage d’Emmanuel Macron, on se réjouit de voir l’Otan adopter une feuille de route qui prend en compte le bouleversement engendré par la guerre en Ukraine, rapporte notre envoyée spéciale Valérie Gas. « Il fallait tirer les conséquences de la situation actuelle, l’espace euro-atlantique n’est plus en paix », explique-t-on. Le secrétaire général de l’Otan l’a d’ailleurs reconnu : la Russie représente désormais « la menace la plus importante pour les Alliés ».
Ce changement de « posture » était attendu par Emmanuel Macron. Il va se concrétiser par un renforcement des forces de l’Alliance sur le flanc est de l’Europe, et bien sûr un renforcement de l’aide à l’Ukraine qui répond à la demande réitérée par le président Zelenski qui s’est exprimé en visioconférence devant les membres du sommet. La France a affirmé sa disponibilité pour participer à cette mobilisation.
À l’Élysée, on affiche aussi une grande satisfaction de voir que désormais la complémentarité entre l’Union européenne et l’Otan ne fait plus débat. L’adhésion de la Finlande et de la Suède qui a été actée va dans ce sens, car ces deux pays peuvent être des « contributeurs » importants à la sécurité européenne.
Du point de vue français, ce sommet de l’Otan a permis d’avancer à la fois dans le domaine du soutien à l’Ukraine et de la défense collective.