L’utilisation de la plante en poudre ou en tisane n’a aucune garantie d’efficacité et risque d’aggraver l’émergence de formes résistantes de la maladie.
L’Académie nationale de médecine a mis en garde mardi 26 février contre les « dangers » de l’utilisation des feuilles séchées d’Artemisia annua pour le traitement et la prévention du paludisme, dénonçant les allégations « scientifiquement incertaines et irresponsables » de ceux qui promeuvent cette phytothérapie.
L’artémisinine, la substance active issue de la plante, est recommandée pour traiter le paludisme en association avec d’autres médicaments à l’action plus prolongée. Mais l’utilisation de l’Artemisia annua seule, en poudre ou en tisane, n’a aucune garantie d’efficacité et risque d’aggraver l’émergence de formes résistantes de la maladie, souligne l’académie dans un communiqué.
Aussi, la société savante médicale « demande que cesse une campagne de promotion organisée par des personnalités peut-être bien intentionnées mais incompétentes en paludologie ». Elle vise principalement l’association française La Maison de l’artemisia, qui promeut la plantation et la commercialisation de cette plante dans plusieurs pays d’Afrique, où l’accès aux médicaments antipaludéens est insuffisant et entend « prouver que l’artemisia, prise en tisane et cure d’une semaine, peut soigner efficacement le paludisme ».
Souches de parasites résistantes
« Ces associations ont réussi à entraîner dans leur sillage des célébrités non médicales de tous horizons, à bénéficier d’une audition à l’Assemblée nationale et d’échos médiatiques qui s’amplifient depuis le début du mois de novembre », déplore l’Académie de médecine. L’institution critique la méthodologie d’une étude publiée en décembre 2018 par la revue Phytomedicine, qui prétend démontrer la supériorité de l’Artemisia par rapport à un traitement classique (dit « combinaisons thérapeutiques à base d’artémisinine » ou CTA)
Selon l’académie, le CTA n’a été donné aux patients que pendant trois jours et l’étude ne différencie pas les rechutes (patients pour qui le traitement n’a pas fonctionné) des réinfections (patients de nouveau piqués par un moustique infecté). « La consommation d’Artemisia seule pendant sept jours, par des litres de tisane de composition incertaine, expose les jeunes enfants impaludés à un risque élevé d’accès pernicieux », une complication grave du paludisme qui se traduit par une atteinte du système nerveux pouvant mener au décès, s’alarme l’académie. De plus, cette monothérapie favorise l’émergence de souches de parasites résistantes, « alors qu’aucune molécule n’est actuellement disponible pour remplacer l’artémisinine dans les CTA », souligne-t-elle.
Le paludisme, ou malaria, est causé par un parasite transmis par les moustiques de la famille des anophèles. Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 219 millions de cas et 435 000 décès ont été recensés en 2017, des chiffres qui ne diminuent plus depuis 2015. 80 % de ces cas se concentrent dans une quinzaine de pays d’Afrique subsaharienne et en Inde. Pour lutter contre cette maladie, l’OMS recommande l’utilisation de moustiquaires, d’un diagnostic rapide et des traitements par CTA. « L’utilisation continue de monothérapies à base d’artémisinine par voie orale est considérée comme un facteur majeur contribuant au développement de la résistance à l’artémisinine et ses dérivés », souligne-t-elle.